C’est tout bête, mais vers 14 ou 15 ans, je suis tombé sur une image d’Irlande, c’était une petite route gravillonnée très longue, avec du vert de chaque côté, quelques moutons et une seule voiture (un vieille cox) qui partait vers nulle part. Cette image a été très forte puisque ce fut un déclencheur. Peu de temps après, j’ai eu l’occasion de regarder un Taxi Mauve, d’Yves Boisset, avec une musique de Philippe Sarde très appropriée, des acteurs formidables et une ambiance très particulière. A partir de là, c’est sûr, l’appel du pays a été très fort. Premier séjour donc avec deux copains en 1989, en VTT, sacoches, tente et duvet à 17 ans.
Quelles régions as-tu eu l’occasion de visiter en Irlande ? Et lesquelles t’ont le plus marqué et pourquoi ?
J’ai toujours depuis 1989 ma vieille carte Michelin (très très usée, j’en ai racheté d’autres bien sûr, car elles n’ont pas toutes résisté aux pluies irlandaises !) sur laquelle je retrace tous mes périples. Finalement, j’ai du mettre le pied dans chaque “irish county”, mis à part le county Waterford que je ne connais pas. J’ai un penchant pour le Donegal et le Mayo, deux superbes régions avec de véritables bouts du monde qu’il vous faudra découvrir : allez donc jeter un coup d’oeil au bout de minuscules péninsules à l’aide des cartes Ordnance Survey, très bien faites. Bien sûr, le Connemara qui reste un “must” par des paysages très changeants et très photogéniques. Plus au sud, la péninsule de Beara qui vaut bien mieux que le Ring of Kerry ou Dingle (mais c’est un avis personnel !), et les villages d’Eyeries et Allihies. Enfin, l’Ulster et les Glens of Antrim méritent qu’on s’y attarde un peu.
Quels sont les meilleurs souvenirs que tu gardes de tes séjours en Irlande ?
Des rencontres bien évidemment !! J’ai souvent fait du stop lors de mes voyages, et là ce n’était que du bonheur, ou presque. Un fermier qui m’invite chez lui après 200 bornes en camion dans le county Carlow et une soirée au pub des plus arrosées, un pub de Kilkenny qui m’offre soupe, Guinness et une vieille cassette d’un groupe totalement méconnu, Mannanan. Et puis surtout, mon meilleur souvenir, un stop du côté de Leenane qui me permet de rencontrer un dublinois super, Adrian, qui vient dans sa résidence secondaire une semaine avant sa femme et ses trois filles pour pêcher le saumon dans le Connemara : résultat, au lieu de filer sur Clifden je reste une semaine avec lui, apprends la technique de la pêche à la mouche, fait des ballades dans la presqu’île de Renvyle, finit au pub tous les soirs tout en bénéficiant d’un bungalow jouxtant sa maison et qu’il met à ma disposition. Quelques soirées au Renvyle Hotel à jouer au snooker tout en descendant quelques Guinness, le paradis n’était pas loin …
Et quelques mauvais souvenirs peut-être ?
Toujours en stop, lorsque je m’aperçois mais trop tard que la gentillesse d’un irlandais qui m’avait invité chez lui après quelques bornes a failli se finir “in the bed”. J’ai pris mon sac à dos et j’ai filé très très vite pour reprendre la route ; de la maison, je me rappelle que l’on voyait le Croagh Patrick, merci à lui ce jour là même si je ne suis pas trop croyant, j’avais 19 ans, je ne sais pas trop avec le recul comment cela aurait pu finir … C’est le seul bémol de toutes ces années en Irlande, amis stoppeurs, méfiez-vous toujours un peu du côté de Louisburgh. Dans un autre registre, plus récemment, de voir pousser comme des champignons des mobiles-homes dans de jolies criques, baies, presqu’îles que je visitais il y a 15 ans ! Certains lieux sont complètement défigurés ; il faut réellement qu’une réflexion sur l’urbanisme se pose.
Qu’est-ce qui t’attire en Irlande ?
Si je te dis pub, Guinness, musique, paysages, rencontres avec les irlandais, atmosphère, cela te parle …. Allez, j’en dis un peu plus.
Pour le pub : pas un jour en Irlande sans “visiter” 4 ou 5 pubs, c’est un minimum, et c’est toujours une sensation très particulière de savoir ce que l’on va trouver derrière chaque porte : belles boiseries, vieux comptoir, serveur ou serveuse “du tonnerre”, clients étranges, déco, familles irlandaises, papy ou mamie dégustant sa pinte, …
Pour la bière : inutile de faire un cours là dessus, mais quel délice de savourer une Guinness en Irlande, elle ne doit pas supporter le transport car en France, difficile de trouver aussi bon. Et puis, la Smithwick’s, difficile à trouver par chez nous si ce n’est de la “Kilkenny” mais totalement différente.
La musique : dans les pubs de Doolin, de Galway, de Kilcar ou Carrick, de Dublin (le Cobblestone), un vrai régal ; et puis, les incontournables Chieftains, Altan, Clannad, Christy Moore, …
Les irlandais : je n’en dirai pas plus, il faut aller à leur rencontre comme ils viennent vers nous, ce sont des gens curieux et intéressants.
Ayant séjourné à plusieurs reprises en Irlande, t’es-tu créé des relations sur place ?
Pour les relations, cela reprend un peu les termes du dessus, j’ai gardé contact avec les personnes qui m’ont hébergé par le passé, d’ailleurs, j’espère bien en revoir dès cet été lors de mon retour en Irlande.
Et as-tu déjà pensé à t’installer définitivement en Irlande ?
Lorsque je n’avais ni femme ni enfant ,c’est vrai, j’y ai pensé, mais aujourd’hui, au vu du coût de la vie et de l’immobilier, il faudrait vraiment économiser beaucoup !!
Tu séjournes régulièrement en Irlande depuis 1989. Sur quels plans ce pays a-t-il le plus changé pendant cette période ?
Les routes, les rond-points, les 4 voies ! Lorsque je quittais Dublin en stop, je me retrouvais rapidement vers Maynooth direction Longford, Mullingar. Aujourd’hui, beaucoup de constructions d’entreprises, de lotissements, les prix sont complètement fous, j’aurais du acheter une petite maison vers 90/94. L’ouest se développe aussi, Galway a beaucoup changé, les embouteillages sont fréquents. Heureusement, il reste des coins très sauvages, mais c’est vrai que l’Irlande a pu bénéficier de subventions européennes importantes, et le pays s’en trouve transformé. Le prix de la pint of Guinness résume à lui seul ce formidable élan irlandais au niveau économique : en 1991, la pinte coûtait 1,6 livres irlandaises, soit un peu plus de 2 euros !
Pourrais-tu nous conseiller quelques livres intéressants sur l’Irlande ?
J’ai un faible pour Hervé Jaouen qui « vit » l’Irlande et qui transmet sa passion d’infatigable pêcheur à la mouche même pour les non initiés ; ma femme s’est prise au jeu elle aussi et a dévoré Journal d’Irlande, Chroniques irlandaises et la Cocaïne des Tourbières. En lisant ce dernier de la trilogie, vous comprendrez pourquoi l’appel de l’Irlande se fait ressentir après un premier séjour. J’ai découvert plus récemment l’Irlande dans un verre de Pete Mc Carthy. Enfin, Un Taxi Mauve de l’académicien Michel Deon reste un classique à découvrir ou redécouvrir.
Et des films ?
La fille de Ryan, The Field, L’Homme Tranquille bien sûr !
Ton prochain séjour en Irlande ?
Mois d’août avec quelques jours dans la presqu’île de Belmullet puis une semaine dans la presqu’île de Renvyle, le Burren, Loop Head, le County Offaly et retour en France. Pour les habitants de Nice et alentours, un bon plan désormais avec Ryanair qui a des vols vers Dublin défiant toute concurrence.
As-tu eu l’occasion de visiter d’autres pays celtes ?
L’Ecosse, jusqu’au nord (Tongue, Durness), la Bretagne à plusieurs reprises. Désormais, j’aimerais aller dans les Asturies et en Galice.
Merci à Philippe pour cette interview qui, je l’espère, vous aura donné envie de découvrir l’Irlande. Et si ce n’est pas le cas, votre cas est vraiment désespéré !