Denez Prigent
Depuis les années 70 et l’éclosion des Alan Stivell, Dan Ar Braz, Tri Yann et autres Gilles Servat, peu d’artistes bretons ont réussi à se faire connaître du grand public. Denez Prigent est une des rares exceptions, d’autant plus remarquable que son art s’exerce dans un style musical qui a priori n’a rien pour rencontrer le grand public : le chant traditionnel breton. Denez Prigent s’est en effet fait connaître en interprétant a capella des kan ha diskan, des chants à danser, et des gwerzioù, des complaintes bretonnes, une sorte de fado à la sauce bretonne. Il a ensuite dépoussiéré la musique bretonne en réussissant le mariage entre ces chants traditionnels et les musiques actuelles, en particulier la musique électronique. Un artiste d’exception !
Denez Prigent est né le 17 février 1966 à Santec, dans le Léon (dont il a d’ailleurs gardé un accent à couper au couteau !), dans le nord du Finistère. Il partage son enfance entre la région brestoise et Santec où sa grand-mère lui fait découvrir la langue et le chant bretons. Pendant que ses camarades de classe s’intéressent aux musiques qu’écoutent des jeunes de leur âge, Denez Prigent préfère écouter des kan ha diskan ou des gwerzioù enregistrés dans les festoù-noz du centre Bretagne ! A 14 ans il suit des cours de chant auprès de Alain Leclère qu’il accompagne deux ans plus tard sur scène dans les festoù-noz. Son talent ne passe pas inaperçu et il remporte plusieurs prix au Kan ar Bobl, un concours de musique bretonne, en 1987, 1989 et 1990. Ses études l’amènent à Rennes où il étudie les arts plastiques et la langue bretonne. En 1988 il devient professeur de breton en collège et lycée à Carhaix et anime en parallèle une émission radio en breton sur Radio France Armorique. Sa renommée dans le milieu de la musique bretonne continue de grandir et il participe à différents festivals : Tombées de la Nuit à Rennes, Festival Interceltique de Lorient, Festival de Cornouaille à Quimper, festival de la Saint-Loup à Guingamp et même le festival Voices of Asia à Alma Ata au Kazakhstan suite à une invitation de la mairie de Rennes dans le cadre d’un jumelage ! En 1991 il abandonne l’enseignement et la radio pour se consacrer au chant.
C’est en 1992 que sa carrière décolle. Invité aux Trans Musicales de Rennes, il bouscule un public habitué au rock en interprétant des chants bretons traditionnels a capella : c’est un triomphe ! Un triomphe qui lui ouvre les portes de grands festivals : Francofolies de La Rochelle, Mitte Europa en Allemagne, Coup de Coeur Francophone à Montréal, … Remarqué par Stephan Eicher, il l’accompagne dans sa tournée au Zénith, au Printemps de Bourges, au festival jazz de Montreux, … Son premier album, Ar Gouriz Koar, sorti en 1993, rassemble des kan ha diskan et des gwerzioù chantés a capella. Destiné seulement à faire connaître l’artiste, l’album rencontre pourtant un franc succès et s’écoule à 50 000 exemplaires. Mais le label ne paiera jamais Denez Prigent qui obtiendra en justice que l’album soit retiré de la vente ! Il le réenregistrera en 1996 après sa signature chez Barclay.
1993 marque une étape décisive dans le parcours artistique de Denez Prigent. Incité par son épouse, il se rend à une rave party organisée à Rennes et y découvre que la musique électronique peut accompagner son chant. Il participe en 1995 au projet Dao Dezi qui est l’occasion pour lui de mixer pour la première fois chant breton et musique électronique. Il transforme l’expérience en 1997 sur son deuxième album, Me’zalc’h ennon ur fulenn aour, qui mêle sons électroniques et chants traditionnels bretons. La plupart des morceaux de l’album sont écrits et composés par le chanteur. Encensé par la critique, l’album lui ouvre les portes des salles les plus prestigieuses (La Cigale, Bataclan, …) et des grands festivals européens (Francofolies de La Rochelle, Paléo Festival de Nyon, Vieilles Charrues à Carhaix, …).
En 2000 Denez Prigent sort son troisième album, Irvi. Une nouvelle fois il signe toutes les paroles et continue de mixer chants traditionnels et sons électroniques, même s’ils sont moins présents que dans l’album précédent. Pour cet album il s’entoure d’artistes de renom comme le chanteur de Noir Désir Bertrand Cantat, le joueur de uillean pipe irlandais Davy Spillane ou encore Lisa Gerrard, chanteuse du groupe Dead Can dance. Son duo avec la chanteuse, Gortoz a ran, est d’ailleurs intégré dans la bande originale du film de Ridley Scott La chute du Faucon Noir, apportant au chanteur une certaine renommée internationale. Ce troisième album est nommé aux Victoires de la Musique en 2001 et est une nouvelle fois salué par la critique.
Après la sortie d’un excellent album live enregistré au Festival Interceltique de Lorient en août 2001, Denez Prigent sort en 2003 son quatrième album en studio, intitulé Sarac’h. Cet album marque un retour à un son plus acoustique, même si les sons électroniques sont toujours présents. Il s’entoure une nouvelle fois d’artistes de qualité : Lisa Gerrard une nouvelle fois, Karen Matheson, chanteuse du groupe écossais Capercaillie, l’irlandais Donal Lunny ou encore la chanteuse bretonne Louise Ebrel qu’il avait eu l’occasion de côtoyer aux débuts de sa carrière. Ce quatrième album reçoit le Grand Prix du Disque du Télégramme en 2004.
Après 12 interminables années de silence, en dehors d’un best-of sorti en 2011, son nouvel album studio, An enchanting garden – Ul liorzh vurzhudus, sort en 2015. Pendant ces longues années il a multiplié les concerts aux quatre coins de la planète : Suisse, Chine, Pologne, Allemagne, Canaries, … Il est régulièrement invité également par les festivals en Bretagne (Vieilles Charrues, Festival de Cornouaille, Festival Interceltique de Lorient, Saint-Loup de Guingamp, …) et en France et a participé aux concerts géants organisés par le Festival Interceltique de Lorient au Stade de France, à Bercy, au Stade de la Beaujoire à Nantes ou au Stade de la Route de Lorient à Rennes. Il faudra heureusement attendre moins longtemps pour découvrir son album suivant, Mil Hent – Mille Chemins, sorti au printemps 2018, marqué par le retour aux sonorités électroniques et une collaboration avec Yann Tiersen, autre artiste breton à l’immense talent. Son dernier album, Stur an Avel, sort en avril 2021.
À ses débuts Denez Prigent a essentiellement repris des chants traditionnels, mais au fil des années il a écrit les textes et composé les mélodies de l’essentiel des morceaux de ses albums. Dans beaucoup de textes il est question d’harmonie et de préservation de la nature, du mal-être de la vie en ville, … Dans ses textes, en particulier les gwerzioù, il s’inspire souvent d’évènements ou de thèmes dramatiques : la très polluante usine Sometra de Copşa Mică en Roumanie, l’Holodomor, famine qui a frappé Kiev dans les années 30, les massacres du Rwanda, l’invasion du Tibet par la Chine, la prostitution enfantine, l’esclavage, l’infanticide, etc … Des sujets graves donc, dans la tradition de la gwerz !
Discographie :
- 1993 : Ar gouriz koar (réédité en 1996)
- 1997 : Me ’zalc’h ennon ur fulenn aour
- 2000 : Irvi
- 2002 : Live holl a-gevret (album live enregistré au Festival Interceltique de Lorient)
- 2003 : Sarac’h
- 2011 : Denez Best Of
- 2015 : An enchanting garden – Ul liorzh vurzhudus
- 2016 : A-unvan gant ar stered – In unison with the stars (album live)
- 2018 : Mil Hent – Mille Chemins
- 2021 : Stur an Avel
- 2022 : Ur mor a zaeloù
Infos très interessantes sur Denez, merci !