La Bretagne, terre de cyclisme
L’ancien président de la Fédération Française de Cyclisme et de l’Union Cycliste Internationale Achille Joinard avait dit que « la Bretagne est la fille aînée du cyclisme ». Pour s’en convaincre, il suffit de croiser les vélotouristes qui parcourent les routes de Bretagne le dimanche matin, les innombrables courses cyclistes organisées chaque année (1200 compétitions sont organisées chaque année en Bretagne !), la foule immense qui s’amasse le long des routes lors du passage chaque fois attendu du Tour de France en Bretagne ou les Gwenn Ha Du qu’on ne manque pas d’apercevoir sur les plus grandes courses cyclistes ! Oui, le cyclisme est populaire en Bretagne comme nul part ailleurs ! D’aucuns disent que les bretons retrouvent dans le cyclisme leur caractère pugnace (certains diront « têtu !).
Le cyclisme est devenu populaire en Bretagne à l’entrée du troisième quart du 19ème siècle. Le premier club breton, le Véloce Club Rennais, est fondé en 1868. Et les premières courses bretonnes apparaissent en Bretagne dès 1869 à Brest et Saint-Pol-de-Léon, rapidement suivies de nouvelles épreuves à Lorient, Quimper, Concarneau. Mais c’est la première édition de Paris – Brest – Paris en 1891 qui va générer un véritable engouement autour du vélo. Chaque village organise sa course, souvent dans le cadre de pardons, et les coureurs se battent pour les primes de victoire financées par les fabricants de bicyclettes ou de pneus dans un marché en plein essor. Ces courses connaissent leur âge d’or dans l’entre deux guerres. Les critériums (Châteaulin, Callac, …) permettent aux coureurs amateurs bretons de se frotter au gratin du cyclisme, avec une foule énorme, souvent plusieurs dizaines de milliers de spectateurs sur le bord des routes. La Bretagne s’est d’ailleurs fait une spécialité d’organiser ces courses et outre le Tour de France et le Tour de l’Avenir (sorte d’antichambre du cyclisme professionnel), la Bretagne accueille régulièrement des championnats de France (cyclisme sur route ou cyclo-cross) et même les championnats du monde à Plouay en 2000. Témoin de l’importance du cyclisme en Bretagne, le président de l’UCI (Union Cycliste Internationale) depuis 2017 est un breton, David Lappartient, ancien maire de Sarzeau dans le Morbihan.
Les principales courses en Bretagne
Si certaines épreuves prestigieuses ont disparu (critériums de Callac ou de Camors, Paris-Brest-Paris, …), 1200 épreuves cyclistes sont toujours organisées chaque année en Bretagne ! Quelques-unes se distinguent par leur popularité et leur reconnaissance par l’UCI (Union Cycliste Internationale) :
- La Bretagne Classic Ouest France (autrefois appelée Grand Prix de Plouay) est l’unique course bretonne inscrite à l’UCI World Tour, l’élite des courses professionnelles. Elle se déroule à Plouay près de Lorient chaque année, fin août. Course paroissiale créée en 1931, elle connaît un succès populaire croissant qui culmine dans les années 2000, devenant une grande fête populaire attirant 300 000 spectateurs le long de la boucle parcourue à plusieurs reprises par les coureurs. Depuis 2016 la course est devenue une course en ligne qui parcourt les routes bretonnes et se termine à Plouay. La liste des vainqueurs inclut de grands noms du cyclisme breton, français et mondial : Sean Kelly, Luc Leblanc, Ronan Pensec, Gilbert Duclos-Lassalle, Franck Vandenbroucke, Michele Bartoli, Thomas Voeckler, Sylvain Chavanel, Vincenzo Nibali, Alexander Kristoff, …
- Les Boucles de l’Aulne (autrefois appelées Circuit de l’Aulne) se déroulent à Châteaulin dans le Finistère depuis 1931. L’épreuve fait partie de l’UCI Europe Tour depuis 2005. Son parcours en boucle est marqué par l’ascension à de multiples reprises du Menez Quelerc’h, une côte longue de 2,9 kilomètres à 6,9% de pente moyenne. La liste des vainqueurs inclut les plus grands noms de l’histoire du cyclisme : Bernard Hinault (4 fois titrés), Louison Bobet, Jacques Anquentil, Eddy Merckx, Raymond Poulidor, Joop Zoetemelk, Laurent Fignon, Miguel Indurain, Richard Virenque, Laurent Jalabert, … Même si elle attire depuis les années 2000 moins de grands noms, elle demeure un des moments importants de l’année cycliste en Bretagne.
- Le Grand Prix du Morbihan (autrefois connu comme Grand prix de Plumelec, du nom de la ville autour de laquelle la course se déroulait) se déroule autour de la commune de Grand-Champ près de Vannes. Elle fait partie de l’UCI Pro Series, deuxième niveau du cyclisme mondial. La course existe depuis 1974.
- Le Tro Bro Leon a été créé en 1984 pour soutenir l’école Diwan de Lannilis. Son parcours autour de Lannilis emprunte des chemins de terre et des secteurs empierrés qui lui ont valu le surnom de « Paris-Roubaix breton » ou d' »Enfer de l’Ouest » (tout un programme !). Ouverte aux professionnels depuis 1999, la course a intégré l’UCI Pro Series en 2020.
- Le Tour de Bretagne, anciennement appelé Ruban granitier breton, est une course à étapes qui se déroule en avril / mai et parcourt les cinq départements de la Bretagne historique. La compétition a été créée en 1967.
Les grands noms du cyclisme en Bretagne
Terre de cyclisme, la Bretagne a vu naître de nombreux grands noms du cyclisme, vainqueurs des plus grande courses.
- Lucien Mazan, dit Lucien Petit-Breton, est né à Plessé (44) entre Nantes et Redon en 1882. Suite à la défaite électorale cinglante de son père, il passe son enfance en Argentine. Il découvre les courses cyclistes à l’âge de 16 ans et devient champion d’Argentine sur piste en 1899, puis champion sur route. Son père désapprouvant sa pratique du cyclisme, il se fait surnommer Lucien « Breton » puis « Petit-Breton » quand il revient en France en 1902 pour devenir cycliste professionnel. Il remporte le Bol d’Or en 1904 (épreuve d’endurance de 24 heures sur piste) et établit le record du monde de l’heure sur piste en 1905. Sur route, il est le premier à remporter deux Tours de France en 1907 et 1908. Son palmarès compte également Paris-Tours en 1906 ainsi que la première édition de la classique italienne Milan – San Remo en 1907. Appelé sur le front pendant la Première Guerre Mondiale, il décède en 1917 à Troyes suite à un accident de circulation sur le front. Il est enterré à Pénestin dans le Morbihan.
- René Le Grevès est né à Paris en 1910 mais a grandi en Bretagne à Saint-Tugdual (56) d’où ses parents étaient originaires. Il était d’ailleurs surnommé Le Breton dans le peloton. Durant sa courte carrière professionnelle de 1933 à 1939, il remporte Paris-Tours en 1935 et le championnat de France en 1936, mais il brille surtout sur le Tour de France où il gagne 16 étapes en 6 participations, ce qui le classe dans le top 10 des vainqueurs d’étape du Tour de France depuis 1903 ! Sa carrière est interrompue par la Seconde Guerre Mondiale et il meurt en 1946 dans un accident de ski.
- Jean Robic naît dans les Ardennes en 1921 (son père originaire du Morbihan y restant après la démobilisation) mais vit à partir de 1924 à Radenac (56). Il travaille dans un magasin de cycles à Paris et entame sa carrière en amateur. Professionnel à partir de 1944, il est champion de France de cyclo-cross en 1945 et surtout remporte le Tour de France en 1947, le premier de l’après-guerre, lors de la dernière étape ! Il portera à nouveau le maillot jaune en 1953 sur une unique étape. Il remporte également le championnat du monde de cyclo-cross en 1950. Il met un terme à sa carrière en 1961. Il meurt en 1980 dans un accident de la route.
- Louison Bobet naît à Saint-Méen-le-Grand (35) en 1925 dans une famille de boulangers. Professionnel de 1947 à 1961, il est considéré comme l’un des plus grands champions de l’histoire du cyclisme avec 122 victoires à son actif ! Il est le premier à gagner trois Tours de France consécutifs (de 1953 à 1955) et remportera au total 11 étapes sur le Tour dans sa carrière. Il remporte par ailleurs le championnat du monde en 1954, deux championnats de France en 1950 et 1951, et inscrit son nom au palmarès de plusieurs classiques : Milan – San Remo (1951), Tour de Lombardie (1951), Tour des Flandres (1955), Paris – Roubaix (1956) et Bordeaux – Paris (1959). On peut également ajouter une victoire à Paris – Nice (1952) et au Critérium du Dauphiné Libéré (1955). Louison Bobet était réputé pour son intelligence de course, son professionnalisme, son courage (il souffrait régulièrement de furoncles) et son panache, des caractéristiques qui en faisaient un champion immensément populaire. Il met un terme à sa carrière en 1961 après un accident de voiture et se reconvertit brillamment dans la thalassothérapie. Il ouvre le premier établissement du genre à Quiberon en 1964, le premier d’une longue série. Il meurt d’un cancer à Biarritz en 1983 et est enterré dans son village natal, Saint-Méen-le-Grand.
- Né en 1944 à Concarneau, Jean-Paul Ollivier n’a jamais été coureur professionnel mais n’en reste pas moins une des figures du cyclisme français. Grand reporter à l’ORTF en 1964, il participe à la création de la mythique émission Stade 2 en 1975 et suit le Tour de France, d’abord en tant que reporter moto dans les années 80 et 90, avant de devenir commentateur en 2001 jusqu’à sa retraite en 2014. Grand historien du cyclisme et particulièrement du Tour de France, il y a gagné le surnom mérité de « Paulo la Science ». Il est l’auteur de très nombreux ouvrages sur le cyclisme et plus particulièrement le Tour de France, ainsi que d’ouvrages sur le football breton et plus généralement la Bretagne.
- Né en 1947 à Bouguenais près de Nantes, Cyrille Guimard est un homme aux multiples carrières. En tant que coureur professionnel, il remporte 94 victoires grâce à ses qualités de sprinter. Il a en particulier remporté 7 étapes sur le Tour de France et 2 sur le Tour d’Espagne. En 1972 il porte le maillot jaune pendant 7 jours. Sa deuxième carrière, c’est en tant que directeur sportif qu’il la mènera. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle fut brillante ! À la tête des équipes Gitane, Renault puis Système U, il remporte 7 Tours de France (Lucien Van Impe en 1976, Bernard Hinault en 1978, 1979, 1981 et 1982, Laurent Fignon en 1983 et 1984), 2 Tours d’Espagne (Bernard Hinault en 1978 et 1983) et 3 Tours d’Italie (Bernard Hinault en 1980 et 1982, Laurent Fignon en 1989). Il sera également sélectionneur de l’équipe de France de 2017 à 2019. La troisième carrière de Cyrille Guimard se déroule dans l’audiovisuel, l’ancien coureur étant consultant à la radio (Europe 1 puis RMC depuis 2009) ou à la télévision (La Cinq, France Télévisions, groupe Canal +, L’Équipe). Il est aujourd’hui encore une des grandes voix du cyclisme en France.
- Il est sans aucun doute le plus grand sportif breton de tous les temps : Bernard Hinault a régné sur le cyclisme mondial de 1978 à 1986. Né en 1954 à Yffiniac près de Saint-Brieuc, il brille chez les amateurs et passe professionnel dès 1975, à seulement 21 ans. Protégé par Cyril Guimard, il enchaîne les victoires à partir de 1977. Son palmarès compte 216 victoires ! Il brille en particulier dans les grands tours : 5 Tours de France (1978, 1979, 1981, 1982, 1985) et 28 victoires d’étape, 2 Tours d’Espagne (1978, 1983), 3 Tours d’Italie (1980, 1982, 1985). Il remporte également les championnats de France (1978) et du monde (1980) sur route. Il brille sur les classiques : Liège – Bastogne – Liège (1977 et 1980), Tour de Lombardie (1979 et 1984), Paris – Roubaix (1981), Gand – Wevelgem (1977), Flèche wallonne (1979 et 1983) et Amstel Gold Race (1981). Il a remporté enfin le Critérium du Dauphiné Libéré (1977, 1979 et 1981) et le Tour de Romandie (1980). Dotée d’aptitudes physiques exceptionnelles, le breton fait preuve par ailleurs d’un mental de compétiteur et d’un caractère qui lui vaudront le surnom de « Blaireau ». Quelques coups de sang mémorables témoignent de ce caractère que certains qualifieront de typiquement breton ! Il met un terme à sa carrière en 1986 et se reconvertit alors en tant qu’éleveur bovin. Pendant longtemps il a également été responsable du protocole pour Amaury Sport Organisation, organisateur du Tour de France.