Lorient, la « ville aux cinq ports »
Quasi entièrement rasée par les bombardements alliés de la Seconde Guerre Mondiale, reconstruite dans les années 50, ouvrière et fière de l’être, Lorient n’a rien à voir avec ses voisines bourgeoises Vannes et Quimper. Mais le côté populaire de Lorient, l’omniprésence de la mer (Lorient est surnommée « la Ville aux Cinq Ports ») et son statut de carrefour des celtes (avec le Festival Interceltique) en font une ville agréable et où il fait bon vivre, à défaut d’être belle. Mais sans doute ne suis-je pas neutre puisque c’est ici que j’ai vu le jour et que j’ai passé mon enfance à quelques kilomètres de là !
Lorient dans l’Histoire …
L’histoire de Lorient est toute récente, puisque la ville a aujourd’hui seulement un peu moins de 350 ans ! En 1664, Colbert décide la création de la Compagnie des Indes pour développer les échanges avec l’Asie, en particulier le commerce des épices. C’est à Blavet, aujourd’hui Port-Louis, que le siège et les entrepôts de la compagnie s’installent. Face à Port-Louis, de l’autre côté de la rade, la compagnie crée les chantiers navals du Faouëdic, sur la rive droite du Scorff. Le premier navire qui sortira des chantiers, le Soleil d’Orient, plus communément appelé L’Orient, An Oriant en breton, donnera son nom à la future ville. Lorient voit transiter épices, thé, étoffes, soieries, porcelaines, qui font la fortune de la Compagnie des Indes et des armateurs. En 1690 la Marine Royale installe une administration militaire à Lorient. Mais la guerre de la ligue d’Augsbourg (1696-1697) et la Guerre de Succession d’Espagne (1702-1714) perturbent le commerce maritime et poussent la Compagnie des Indes à une première faillite, plongeant Lorient dans le marasme.
En 1719, le financier John Law, contrôleur de la Banque Royale, rachète la compagnie et fonde une Nouvelle Compagnie des Indes, qui a le monopole des échanges entre la métropole et les comptoirs d’Afrique, de Louisiane, des Antilles, de l’Océan Indien et de la Mer de Chine. La ville connaît alors une ère de grande prospérité. L’architecte Jacques Gabriel est chargé de maîtriser l’extension urbaine d’une ville qui passe en quelques années de 6 000 à 20 000 habitants ! Jusqu’ici faubourg de la paroisse de Ploemeur, Lorient est érigée en municipalité en 1738. Mais la perte des colonies en 1763 entraîne la faillite de la Compagnie des Indes en 1769. Le commerce avec les Indes ne s’arrête pas pour autant. En 1770, les chantiers navals sont rachetés par le Roi et Lorient devient un arsenal royal. La Révolution Française marque la fin du monopole de Lorient sur le commerce avec les colonies. Lorient est institué port militaire en 1791.
Le 19ème siècle, siècle de toutes les révolutions technologiques navales, est marqué par le développement de l’arsenal de Lorient, soutenu par des investissements forts de l’État. Les chantiers se multiplient, s’étendent et embauchent de plus en plus de monde (l’arsenal emploie 4 000 personnes en 1870). Sous la IIIème République, l’essor de l’industrie métallurgique et des Forges de Lochrist, en amont sur le Blavet, réveillent le port lorientais. La ville se développe et se modernise : réseau d’eau potable, tramway, hôpital, … En 1911, Lorient compte 50 000 habitants. En 1920, le port de commerce de Kergroise accueille son premier navire et devient rapidement un grand port charbonnier. Parallèlement la pêche se développe. Avec la création du port de Keroman en 1927 et la mise en service du premier slipway de France, Lorient joue la carte de la pêche chalutière à vapeur et devient rapidement le deuxième port de pêche français. À la veille de la Seconde Guerre Mondiale, Lorient est au sommet de sa gloire, à la fois arsenal à l’avant-garde des technologies, port de commerce très actif et port de pêche en pleine croissance.
Mais Lorient va sortir anéantie de la Seconde Guerre Mondiale … En juin 1940, dans le cadre de la stratégie des Nazis pour gagner la Bataille de l’Atlantique, l’amiral Dönitz décide d’établir son PC à l’arsenal de Lorient. En 1941, les allemands décident d’entamer un gigantesque chantier entre la pointe de Kéroman et l’embouchure du Ter : la construction de trois immenses blocs alvéolés en béton armé, pour abriter les sinistres sous-marins U-Boote … L’ensemble des blocs, achevés en 1943, représente l’édifice militaire le plus gigantesque bâti par les Nazis en dehors d’Allemagne ! Face aux ravages causés par les sous-marins U-Boote, les alliés décident de bombarder les bases opérationnelles des sous-marins : la population civile est évacuée en janvier 1943, les bombardements durent un mois, de mi-janvier à mi-février 1943 … Les 4 000 tonnes de bombes larguées sur la ville détruisent la ville à 85 % ! Ironie du sort : seule la base des sous-marins, objectif des bombardements, est intacte … Après le débarquement allié en 1944 en Normandie, alors que la Bretagne est libérée en août, les combats continuent autour de Lorient : les allemands transforment la ville en poche de résistance, la fameuse « Poche de Lorient » qui s’étend de Pont-Lorois sur la Ria d’Étel aux rives de la Laïta. Cette poche ne cédera que le 10 mai 1945, deux jours après l’armistice. Après la Libération, la base des sous-marins porte le nom de l’ingénieur-général Stosskopf, officier alsacien du Génie Maritime, fusillé par les allemands en 1944 après avoir divulgué aux alliés pendant des années des informations sur la base sous-marine et les mouvements des U-Boote.
Quelques mois seulement après les bombardements, dès l’été 1943, le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme décide que la reconstruction ne se fera pas à l’identique : l’objectif est de rebâtir une ville pour l’avenir. Après des années de travaux de déminage, de déblaiement et de remise en état de l’infrastructure, la première pierre est posée le 12 mars 1949, rue du Port. Il faudra près de 15 ans pour que la reconstruction s’achève ! Contrairement à des villes comme Brest, Saint-Nazaire ou Le Havre, Lorient aura la chance de voir plus d’une cinquantaine d’architectes différents travailler à la reconstruction, amenant une certaine diversité dans l’architecture. La reconstruction sera accompagnée d’une crise du logement : en plus des sinistrés logés dans des baraques de fortune, il faut faire face à l’exode rural et à la poussée démographique.
Les années 70 voient la création du Festival Interceltique de Lorient, aujourd’hui devenu l’événement culturel majeur de la ville et un des plus importants festivals d’Europe. Touchée par les restructurations économiques dans les années 80, Lorient plonge dans le marasme quand, en 1992, on annonce la fermeture de la base des sous-marins. Occupée après la libération par la Marine Nationale, elle abritait des sous-marins à propulsion classique. Mais elle n’est plus adaptée pour recevoir des sous-marins à propulsion nucléaire. La fermeture sera effective en 1997. La reconversion de la base sous-marine (BSM pour les lorientais) est aujourd’hui un des enjeux majeurs pour l’agglomération lorientaise. Une reconversion toujours tournée vers la mer, fidèle à l’histoire de Lorient …
À voir à Lorient …
Rasée à 85% par les bombardements alliés, Lorient n’a évidemment pas le charme ancien de ses voisines comme Vannes ou Quimper ! Mais le patrimoine hérité de la reconstruction, longtemps porté comme un fardeau par les lorientais, mais mis en valeur à partir des années 90, a permis à la ville d’acquérir en 2005 le label « Ville d’Art et d’Histoire ». Petit tour de la ville …
- Le superbe Grand Théâtre, inauguré en 2003, 60 ans donc après la destruction de l’ancien Grand Théâtre, séduit par son architecture. Oeuvre de l’architecte Henri Gaudin, la salle peut accueillir un peu plus de 1 000 spectateurs.
- Dominant le Scorff, le quartier de Kérentrech est l’un des rares épargnés par les bombardements de 1943. Il conserve donc quelques maisons étonnamment colorées du début du 20ème siècle, construites par des maçons italiens. Sur la place de l’Yser, l’église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle est célèbre pour ses gargouilles osées … En descendant vers le Scorff, on découvre cachée dans les arbres sur un promontoire rocheux la Chapelle Saint-Christophe (15ème siècle), qui domine le pont Saint-Christophe. Vue sur le parc à bois de Saint-Isidore, dont il ne reste aujourd’hui que des piquets dans la vase, et qui servait de réserve pour la construction des navires à l’époque où ils étaient en bois.
- L’arsenal, accessible par la Porte Gabriel, occupe le site originel de la Compagnie des Indes. La Marine Nationale cède peu à peu ces terrains à la ville de Lorient : un nouveau chantier de reconversion en perspective ! Une promenade, dite promenade du Péristyle, est d’ores et déjà ouverte et permet d’avoir un panorama superbe sur la rade de Lorient. Elle démarre au bout du quai des Indes, longe le quai du bassin à flots et rejoint le Scorff face aux chantiers navals de Lanester. C’est ici que se dresse la moderne Maison de l’Agglomération, siège de Lorient Agglomération, la communauté de communes du pays de Lorient. On peut ensuite couper à travers l’arsenal pour rejoindre la Porte Gabriel, une des entrées de l’arsenal, en passant par la montagne du Faouëdic, au sommet de laquelle s’érige la Tour de la Découverte et deux moulins (dont un accueille une exposition de peinture).
- Le bassin à flots qui fait face au hideux Palais des Congrès est sans doute ce qui rend le centre de Lorient si agréable, à défaut d’être beau. Belles promenades sur le quai des Indes (avec au bout une navette pour traverser la rade vers Locmiquélic) ou sur le quai de Rohan qui se prolonge par le quai Éric Tabarly.
- Le port de commerce de Kergroise et le port de pêche de Kéroman sont au cœur de l’activité économique de Lorient. Lorient est le premier ou deuxième port de pêche français, selon qu’on parle de la valeur ou de la quantité du poisson débarqué. À condition de se lever tôt, on peut assister au débarquement du poisson sur les quais et à la vente à la criée. Ambiance garantie !
- La Cité de la Voile Éric Tabarly, ouverte au printemps 2008, est le pôle touristique de la reconversion de l’ancienne base des sous-marins, fermée en 1997. Dans une architecture moderne et respectueuse de l’environnement (panneaux solaires, économies d’énergie, climatisation grâce à l’eau de mer, …), la Cité de la Voile propose de découvrir le monde de la voile moderne et de la course au large à travers des expositions permanentes et temporaires. Accessible par une passerelle, un ponton dominé par la Tour des Vents accueille les fameux Pen Duick de Éric Tabarly. La visite de la Cité de la Voile peut également inclure une première expérience de navigation dans la rade de Lorient ! Plus d’informations sur le site officiel de la Cité de la Voile Éric Tabarly : www.citevoile-tabarly.com.
- Sur la base des sous-marins, on peut visiter (visite guidée) le bloc K3, le plus important (170 mètres de long, 142 mètres de large, 200 000 mètres cubes de béton, 7 alvéoles protégées par une toiture de 7 mètres d’épaisseur !). Autre visite possible : la tour Davis, équipement d’entraînement pour le sauvetage des sous-mariniers. La BSM (comme l’appellent les lorientais) abrite également un pôle course au large qui attirera quant à lui les mordus de voile, qui voudront marcher sur les traces de Ellen Mac Arthur, Alain Gautier, Hervé Laurent ou Bruno Peyron.
Merci pour la balade de la ville de mon grand père