Mes 10 coups de coeur musicaux de 2021
Les abonnés aux comptes Twitter et Facebook du site découvrent chaque vendredi un album sorti récemment, création d’artistes des nations celtes, de leur diaspora ou simplement inspiré par les musiques celtiques. Des messages qui vous font découvrir les nombreux talents folk et trad que comptent les nations celtes. En cette fin d’année, je vous propose donc une sélection de 10 albums sortis pendant cette année 2021, qui vous emmènera en Bretagne (3 albums), en Écosse (4) et en Irlande (4) et vous fera découvrir des artistes au style traditionnel ou résolument novateur, les musiques électroniques étant de plus en plus fréquemment mélangées à la musique traditionnelle. Une tendance qu’à titre personnel j’apprécie beaucoup mais qui n’est pas du goût de tout le monde. Un exercice de sélection nécessairement subjectif, mais j’espère que cette liste vous permettra de faire de belles découvertes et passer de bons moments !
Ar Vro Bagan – War Hent Youenn Gwernig
Ar Vro Bagan est une troupe de théâtre professionnelle en langue bretonne installée depuis 1973 à Plouguerneau dans le nord du Finistère. Sa dernière création est consacrée à Youenn Gwernig, ébéniste, sculpteur, musicien et chanteur né à Scaër en 1925, décédé à Douarnenez en 2006. Il émigra aux États-Unis en 1957 et s’y lia d’amitié avec Jack Kerouac, un des plus grands écrivains américains du 20ème siècle, à la recherche de ses origines bretonnes. De retour en Bretagne en 1969, Youenn Gwernig sera un des animateurs du renouveau culturel breton des années 70 et sera en particulier un grand défenseur de la langue bretonne. Cet album reprend des chansons écrites par Youenn Gwernig et qui accompagnent la pièce écrite par Goulc’han Kervella. Les voix de Typhaine Corre, Tangi Merrien et Erwan Billant sont accompagnées par Tangi Le Gall-Carré (accordéon), Erwan Moal (guitare) et Julien Stévenin (contrebasse). Le spectacle tourne régulièrement en Bretagne, surveillez les théâtres près de chez vous !
Whyte – Maim
Ce qui différencie la musique folklorique de la musique traditionnelle vivante ? La capacité à se renouveler en permanence et à évoluer en absorbant les influences actuelles. Un bel exemple que ce magnifique album Maim, signé du duo écossais Whyte. Un album qui fusionne chant en gaélique et sonorités électroniques, un genre qu’on appelle Gaelictronica en Écosse. Maim est le troisième album du duo composé de Ross Whyte, du Aberdeenshire, musicien électro, déjà auteur de bandes sons pour le cinéma, le théâtre et la danse, et Alasdair C Whyte, chanteur gaélique originaire de l’île de Mull, chercheur en langues celtiques à l’Université de Glasgow. Le duo a répondu à une commande de la troupe de théâtre contemporain gaélique Gu Leòr, pour accompagner un spectacle multimédia autour de la danse, de la musique, de la vidéo, du récit, évoquant la situation critique de la culture gaélique et le changement climatique. L’alchimie entre le gaélique, le piano et les subtils arrangements électroniques est réussie, d’une magnifique mélancolie (que Victor Hugo appelait très justement « le bonheur d’être triste » !), certains morceaux comme Gloinne ou Creach atteignant même le sublime ! Un des OVNIs de l’année 2021 !
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Denez – Stur An Avel
Cele fait près de 30 ans que Denez Prigent (appelez le tout simplement Denez désormais !) promène sa voix et son art du chant sur les scènes de Bretagne et du monde entier, confirmant à chaque album son statut de principal héritier des grands artistes bretons des années 70. Pour ce nouvel album, Denez retrouve Yann Tiersen, autre musicien breton génial, avec qui il avait collaboré sur son précédent album il y a trois ans. Mais il embarque également avec lui la chanteuse bretonne Aziliz Manrow et, plus surprenant, le rappeur Oxmo Puccino, dans le morceau, Waltz of Life qui est le « tube » de cet album. On retrouve également la Kevrenn Alre (bagad d’Auray), les uillean pipes de Ronan Le Bars, l’accordéon aux accents argentins de Fred Guichen, la trompette de Youn Kamm ou encore la guitare de Jean-Charles Guichen,. Ce septième album studio marque également le retour d’un son très électronique, cette fusion de la musique bretonne et de l’électro qui avait révélé Denez Prigent au milieu des années 90. En créant une alchimie merveilleuse entre sons électroniques, sons acoustiques (cordes, cuivres, accordéon, uillean pipes, …) et cette voix unique, Denez propose une nouvelle fois un album d’une beauté exceptionnelle, plus d’une heure de bonheur et de frissons ! Et si Denez Prigent avait en fait dépassé ses héritiers ?
Staran – Staran
La scène folk trad écossaise est particulièrement vivante ces dernières années et ne cesse de révéler des talents exceptionnels. En cette année 2021 on remarque en particulier le collectif Staran (un mot gaélique qui désigne un sentier marqué par des pierres) qui sort un premier album éponyme de toute beauté ! Quatre musiciens virtuoses, John Lowrie (pianos, percussions), Jack Smedley (fiddle), Innes White (guitares) et James Lindsay (double basse), accompagnés par la voix exceptionnelle de Kim Carnie (élue chanteuse en gaélique de l’année 2021 aux Trad Awards). Des musiciens déjà connus dans le petit monde de la musique écossaise, diplômés, récompensés à de multiples reprises et qui ont déjà accompagné des artistes reconnus en Écosse (Siobhan Miller, Heidi Talbot, Karen Matheson, Kris Drever, …). L’album nous transporte entre instrumentaux somptueux et balades envoûtantes chantées en gaélique par la voix de Kim Carnie, une des plus belles qu’il m’ait été donné d’entendre ces dernières années, qui n’est pas sans rappeler la merveilleuse Karen Casey. C’est subtil, beau, tantôt mélancolique, tantôt entraînant. Ce premier album de Staran est sans doute l’un des plus beaux albums de musique traditionnelle des dernières années en Écosse ! 39 minutes de pur bonheur à écouter de toute urgence !
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John Francis Flynn – I Would Not Live Always
Après avoir roulé sa bosse avec l’excellent groupe trad irlandais Skipper’s Alley et collaboré avec quelques artistes en vue en ce moment en Irlande (comme Brigid Mae Power ou le magistral groupe Lankum), John Francis Flynn se lance pour un premier album solo, I Would Not Live Always. C’est d’ailleurs en jouant en première partie de la tournée européenne de Lankum en 2019 que le dublinois s’est montré et a été repéré par le label River Lea, filiale irlandaise du prestigieux label Rough Trade Records. Chanteur, guitariste et flûtiste, John Francis Flynn reprend des chansons écrites par de grands noms du folk irlandais et britannique qui l’ont toujours inspiré : Shirley Collins, Frank Harte, Paddy Quilligan, Ewan MacColl, Stan Hugill. Avec sa voix profonde, une musique sous tension quasi-permanente, quelques discrètes touches de musique électronique, il insuffle une énergie brute qu’on retrouve chez nombre de groupes folk / trad ayant récemment émergé de la scène dublinoise : Lankum, Skipper’s Alley, The Bonny Men, … Sans conteste une des révélations de l’année en Irlande !
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Moxie – The Dawn of Motion
Envie d’écouter une musique qui vous met en joie et vous regonfle le moral ? Alors écoutez le dernier Moxie ! Le quintet de « folk alternatif irlandais », formé en 2011 dans le comté de Sligo en Irlande, est enfin de retour après un premier album enthousiasmant, Planted, sorti en 2014. Pour l’occasion les cinq garçons accueillent une petite nouvelle, Julia Spanu, chanteuse aux racines française, vietnamienne et italienne qui a grandi à Carthage en Tunisie et s’est installée en Irlande en 2016 ! Un symbole de ce multiculturalisme qui influence la musique de Moxie, ancrée dans la tradition irlandaise, mais qui puise ses inspirations dans les influences urbaines parfois bien éloignées de l’Irlande. Ce son Moxie, soul, funky, jazzy, donne une envie de folle de danser (difficile par exemple de rester en place avec le morceau comme The Place Above ci-dessous !). Pour ce deuxième album, Moxie adopte un style plus urbain, qui s’éloigne un peu du trad, et s’essaie également avec réussite à la chanson, avec la voix de Julia Spanu, qui chante à la fois en gaélique, en anglais et en arabe.
Mànran – Ùrar
Depuis plusieurs années Mànran est un des groupes phares du folk écossais. C’est en fait ce qu’on appelle un « super groupe », ses membres menant en parallèle des carrières solos et / ou participant à d’autres groupes. Ainsi la chanteuse Kim Carnie donne sa voix au groupe Staran (voir plus haut) et prépare un premier album solo, Aidan Moodie est membre du groupe Gnoss, Gary Innes mène une carrière solo après avoir été capitaine de l’équipe écossaise de shinty (l’ancêtre du hockey sur gazon), etc… Pas surprenant donc que ce quatrième album du groupe fondé il y a une dizaine d’années soit une vraie réussite. Le groupe alterne chansons traditionnelles en gaélique, chansons en anglais et instrumentaux brillants, se basant essentiellement sur des instruments « traditionnels » (accordéon, flûtes, fiddle, guitare), la batterie et la basse ajoutant une subtile touche de modernité. Un ancrage dans la tradition, mais une innovation permanente, c’est la marque de Mànran, groupe désormais incontournable des musiques celtiques !
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Annie Ebrel – Lellig
Depuis ses premiers pas en 1983 dans ce centre Bretagne dont elle est originaire, Annie Ebrel est devenue une des chanteuses les plus réputées de Bretagne et une ambassadrice du chant breton (kan ha diskan, gwerzioù et sonioù) dans le monde entier. Tout au long de sa carrière elle a côtoyé de grands noms de la musique bretonne : Erik Marchand, Yann-Fañch Kemener, Nolùen Le Buhé, Marthe Vassalo, Jacques Pellen, Kristen Noguès et d’autres. Elle a également su enrichir le chant breton avec des sonorités contemporaines, en le mixant par exemple au jazz lors d’une collaboration remarquée avec le contrebassiste Riccardo Del Fra dans les années 90. Pour ce nouvel album, Lellig, Annie Ebrel rend hommage à la poétesse bretonne Anjela Duval (1905-1981), paysanne bretonnante du centre Bretagne qui à partir des années 60 se met à écrire des poèmes le soir, après sa journée de travail, acquérant une grande renommée dans le milieu bretonnant après une émission TV en 1971. Annie Ebrel met en musique certains de ses poèmes préférés de la poétesse. Daravan Souvanna (basse), Clément Dallot (claviers) et Ronan Pellen (cistre et violoncelle) accompagnent merveilleusement la voix exceptionnelle de Annie Ebrel pour proposer un des plus beaux albums de musique bretonne de cette année 2021.
Darragh O’Dea – Tilly and the Postmaster
Son nom n’est pas trompeur : Darragh O’Dea est bel et bien irlandais ! Ce songwriter talentueux est plus précisément originaire de Tuam, dans le comté de Galway. Avec Tilly and the Postmaster, il sort un premier album remarqué par la critique, hommage à ses grand-parents décédés récemment et dont il était très proche, sa grand-mère Tilly et son grand-père Neil, facteur à Tuam, dont quelques mots ouvrent d’ailleurs l’album. La patte Darragh O’Dea : des textes engagés qui parlent de l’Irlande et de ses cicatrices (en particulier sur la guerre civile en Irlande du Nord), incarnés par un Darragh O’Dea au phrasé rythmé, un folk teinté de rock et des mélodies accrocheuses. Un style qui n’est pas sans rappeler un autre songwriter irlandais, le génial Damien « Damo » Dempsey, un des plus grands artistes de la scène irlandaise des 10 dernières années. Un premier album particulièrement réussi qui laisse présager d’une belle carrière pour Darragh O’Dea !
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Spell Songs II – Let the light in
Voilà une bande originale bien … originale ! Ici pas de film, de série, de documentaire ni de pièce de théâtre, mais un livre ! Plus précisément un recueil de poèmes, signés Robert Macfarlane et illustrés par la dessinatrice Jackie Morris. Des poèmes destinés aussi bien aux enfants qu’aux adultes, célébrant la nature. Après un premier tome, A Spell Book, paru en 2017, un deuxième tome, The Lost Spells, est sorti en 2020, dont cet album constitue donc la bande originale. Une musique supposée accompagner la découverte de cet ouvrage mais qui peut évidemment s’écouter indépendamment. Une bande originale qui rassemble des artistes parmi les plus réputés de la scène folk écossaise : Julie Fowlis, Karine Polwart, Kris Drever, Seckou Keita (le maître de la kora), Kerry Andrew, Rachel Newton, Beth Porter et Jim Molyneux. Avec un tel casting, le résultat est évidemment à la hauteur, avec 15 morceaux subtils qui font un bien fou aux oreilles !
Exceptionnel ! Merci !