Douarnenez, au pays des Penn Sardin
Au fond d’une des plus belles baies de Bretagne à laquelle elle a donné son nom, Douarnenez est une ville de 16 000 habitants, née de la fusion en 1945 des communes de Douarnenez, Tréboul, Ploaré et Pouldavid, situées de part et d’autres de la ria de Port Rhu. La ville tire son nom (« Douar an Enez » en breton, « Terre de l’île ») de l’île Tristan qui fait face à la ria de Port Rhu. Mais c’est la sardine qui a « fait » l’histoire de Douarnenez . Dans la deuxième moitié du 19ème siècle, la pêche à la sardine et les conserveries assurent en effet l’essor de Douarnenez. Si seules quelques conserveries subsistent encore aujourd’hui, cette épopée de la sardine a profondément marqué la ville et vaut d’ailleurs à ses habitants le surnom de « Penn Sardin » (« têtes de sardine » en breton).
La légende de la ville d’Ys, cité engloutie
L’une des légendes les plus connues de Bretagne est rattachée à la baie de Douarnenez : la légende de la ville d’Ys. Certains situent sur l’île Tristan les vestiges de cette cité engloutie. La ville d’Ys avait été construite par Gradlon, roi légendaire de Cornouaille, pour sa fille Dahut. La ville était protégée des vagues et des tempêtes par une très haute digue percée d’une unique porte dont seul le roi Gradlon détenait la clé. La princesse Dahut, d’une grande beauté, avait chaque soir un nouveau fiancé qu’elle tuait au petit matin et jetait en mer. C’est un de ces amants, sans doute le Diable, qui la convainquit de subtiliser à son père la clé de la porte de la ville. Mais alors qu’elle tentait de prendre la clé à son père endormi, des vagues gigantesques submergèrent la ville. Le Roi Gradlon tenta de fuir avec sa fille sur son cheval magique, Morvarc’h, capable de galoper sur la crête des vagues. Mais le cheval refusait d’avancer … Saint Guénolé apparut et exigea du roi qu’il lâche la princesse Dahut, coupable d’avoir essayé de voler les clés de la ville. Furieux, le Roi Gradlon poussa sa fille dans l’eau, les vagues se refermèrent sur la princesse et la mer engloutit la ville d’Ys. Alors le cheval Morvarc’h repartit et le roi fuit dans les terres, ne s’arrêtant qu’au confluent de deux rivières dans une ville dont il fit sa capitale et dans laquelle il vécut le reste des jours : Quimper. Dahut devint une sirène et elle apparaît aux pêcheurs les soirs de lune, peignant sa longue chevelure blonde. Le quartier de Pouldavid (nom francisé de « Poul Dahut », le « trou de Dahut ») indique l’endroit où la princesse Dahut fut engloutie par les eaux. On raconte également que Lutèce devint Paris en référence à la ville d’Ys (« Par Ys » en breton, « pareille à Ys ») qui était alors la plus belle ville du monde. Il existe différentes versions de cette magnifique légende. Comme nombre de légendes, elle s’inspire sans doute de faits réels. Certains historiens évoquent en particulier un raz de marée qui serait survenu au 5ème siècle et aurait laissé une trace indélébile dans la mémoire des habitants. L’existence de plusieurs voies romaines convergeant vers le fond de la baie de Douarnenez laisse également penser qu’une cité y a réellement existé.
Douarnenez et la sardine
La sardine et Douarnenez, c’est une longue histoire … Dès l’Antiquité une cité gallo-romaine, sans doute nommée Leones et aujourd’hui située sur le site des Plomarc’h, produisait du garum, un condiment à base de sardines fermentées, semblable au nuoc-mâm, et dont les légionnaires romains raffolaient. Pendant de longs siècles l’abondance de la sardine en baie de Douarnenez en fait le premier port sardinier de France. La sardine est alors vendue fraîche, cuite dans l’huile ou pressée et saumurée dans des tonneaux pour être conservée pendant un an. Mais l’invention de la boîte de conserve par Nicolas Appert va changer le destin de Douarnenez. La première conserverie ouvre en 1853 (elle est d’ailleurs toujours en activité, il s’agit de la conserverie Chancerelle qui commercialise la marque Connétable), suivie par de nombreuses autres. En 1900 Douarnenez compte 32 conserveries qui emploient 4 000 personnes et 800 bateaux de pêche qui embarquent plus de 3 500 marins. Douarnenez est alors le premier port de pêche côtière en France et la capitale mondiale de la conserve de poisson. Mais à partir de 1902 la crise sardinière frappe Douarnenez de plein fouet. Quasiment du jour au lendemain, les sardines disparaissent, les pêcheurs reviennent au port les cales vides, les conserveries ferment les unes après les autres et Douarnenez plonge dans la misère. En 1958, il ne reste que 14 usines qui comptent seulement une centaine d’employés à l’année. Aujourd’hui Douarnenez ne compte plus que trois conserveries industrielles : Chancerelle (marque Connétable), Paulet (marque Petit Navire) et Cobreco (marques Arok et Jacq), ainsi qu’une conserverie artisanale (Kerbriant). Cette dernière, située dans la zone de Lannugat, est ouverte aux visites le matin en été. Des clous de bronze balisent un circuit de 6 kilomètres à travers la ville jalonné de panneaux pour découvrir l’histoire sardinière de Douarnenez. Balade libre ou visite guidée. De leur côté les pêcheurs rebondissent en diversifiant leur pêche (homard et langouste au large de l’Espagne, du Portugal, du Maroc et de la Mauritanie) jusqu’aux interdictions de pêche décrétées par le Maroc et la Mauritanie au début des années 70. Aujourd’hui le port de pêche n’accueille plus que quelques bateaux de pêche côtière. Mais la position géographique du port et les économies induites en carburant amènent des chalutiers à débarquer leur poisson à la criée du port de Rosmeur, faisant de Douarnenez un port de pêche toujours actif.
Cette épopée de la sardine a fait de Douarnenez une ville ouvrière à l’avant-garde des luttes sociales. Douarnenez est ainsi la deuxième ville en France à élire un maire communiste (Sébastien Velly en 1921) et une des premières en mai 1925 à élire une femme conseillère municipale, Joséphine Pencalet, ancienne domestique en région parisienne revenue travailler en usine à Douarnenez après la mort de son mari. Mais à une époque où les femmes n’avaient pas le droit de vote, le Conseil d’Etat invalide son élection en novembre 1925. Plusieurs grèves marquèrent l’histoire sociale de Douarnenez. La plus importante se déroula entre le 21 novembre 1924 et le 10 janvier 1925. La grève touche les 25 conserveries de la ville et leurs 4 000 employés. Et les femmes, qui représentent l’essentiel des ouvriers et travaillent dans des conditions de travail exécrables, sont en première ligne des manifestations. Les revendications portent sur les salaires et les conditions de travail. La situation s’envenime en décembre quand des patrons font appel à des « jaunes », des briseurs de grève. Ils tirent même le 1er janvier sur le maire communiste de Douarnenez, Daniel Le Flanchec, qui soutient le mouvement et qui a été destitué par le préfet quelques jours plus tôt ! Un incident qui met sur la touche les membres les plus durs des syndicats des usiniers et facilite la signature d’un accord le 8 janvier. Les ouvrières des conserveries de Douarnenez ont obtenu gain de cause sur la majorité de leurs revendications et la grève, qui a eu un écho national, prend fin le 10 janvier 1925.
À voir à Douarnenez
Un petit tour des endroits incontournables de Douarnenez, d’est en ouest en longeant la côte.
- A l’entrée est de la ville en venant de Locronan, le site des Plomarc’h est un espace naturel classé dominant la baie de Douarnenez. Ses 16 hectares abritent une ferme municipale, des jardins biologiques, des animaux de race bretonne (porcs, moutons, juments, vaches, …). Au milieu de ce site naturel un ancien village de pêcheurs accueille des gîtes (des penty habités jusque dans les années 60 par des familles de pêcheurs-artisans). On y trouve également les vestiges de cuves de salaison dans lesquelles était produit le garum (condiment à base de sardines fermentées) à l’époque romaine. Des sentiers permettent de parcourir le site et d’apprécier ses charmes qui ont inspiré nombre de peintres, de poètes et d’écrivains.
- Le port de Rosmeur et ses maisons aux façades colorées sur les quais est sans doute l’image la plus connue de Douarnenez. Le village connut une explosion démographique à la fin du 19ème siècle, l’âge d’or de la sardine. 15 000 habitants s’y entassaient dans des conditions d’hygiène déplorables et offraient une main d’oeuvre bon marché pour l’industrie de la sardine. Les barques de pêche, leurs mâts et leurs voiles couvraient alors l’horizon des quais de Rosmeur. Une maison rose au bout des quais, l’ancien Abri du Marin, abrite les éditions du Chasse-Marée, revue de référence pour les passionnés du patrimoine maritime.
- Depuis 1958 le port de pêche de Douarnenez s’est déplacé à la pointe de Rosmeur sur un terre-plein gagné sur la mer. L’office du tourisme organise des visites guidées dans le port de Douarnenez pendant l’été pour découvrir le monde de la criée. Visité réservée à ceux qui n’ont pas peur de se lever tôt car le poisson est débarqué à l’aube !
- Entre le port de pêche et Port Rhu, la route longe la côte et domine deux plages au pied des falaises : la plage des Dames et la plage de Pors Cad. Les deux font face à l’île Tristan.
- Face à la ria de Pouldavid, à 200 mètres du rivage, l’île Tristan est un site naturel classé depuis 1934. Elle est gérée par le Conservatoire du Littoral depuis 1995. Grâce à la présence d’eau douce, l’île a été constamment habitée depuis la Préhistoire. De par son isolement et son emplacement stratégique, elle accueillit des religieux, servit de place forte militaire ou encore de lieu de villégiature. Mais l’île Tristan est surtout connue pour avoir abrité lors des guerres de la Ligue au 16ème siècle le célèbre brigand Guy Eder de la Fontenelle, qui s’enrichit en menant des raids dans toute la Cornouaille depuis l’île Tristan. L’île abrite un château, un fort, un phare, une ancienne conserverie et un jardin exotique comptant plus de 350 espèces florales et quelques espèces animales protégées. Pour protéger son environnement fragile, l’île n’est accessible qu’à marée basse par fort coefficient de marée, uniquement sur autorisation et sous surveillance d’un garde.
- Le Port-Musée de Douarnenez est installé à Port-Rhu, dans la ria de Pouldavid qui sépare le centre de Douarnenez et le quartier de Tréboul. Ce musée ouvert en 1993 est consacré aux bateaux. La partie « à terre » du musée, installée dans une ancienne conserverie place de l’Enfer, expose une collection de bateaux (pêche, plaisance, …) et d’objets liés aux activités maritimes. L’autre partie du musée est un musée à flot qui expose une collection de bateaux de tous types : gabares, langoustiers, thoniers, remorqueurs, bateaux-feus, goélettes, chaloupes sardinières, etc… Le musée accueille également des expositions temporaires. Plus d’informations : www.port-musee.org.
- Juste à côté du port-musée, le Centre d’interprétation de l’industrie de la conserve en Bretagne à Douarnenez est un projet de nouveau musée porté par un historien, Alain Le Doaré. Installé dans une ancienne presse à poissons du 18ème siècle, il plongera les visiteurs dans l’histoire de la conserve à Douarnenez. Ouverture prévue pour Pâques 2016.
- Dans une petite rue remontant depuis la place sur laquelle est installé le port-musée, la Chapelle Saint-Michel, coincée entre des maisons, ne paie pas de mine de l’extérieur. Cette petite chapelle bâtie au 17ème siècle par le père Maunoir en mémoire du missionnaire Dom Michel Le Nobletz abrite pourtant un trésor : 59 panneaux peints, représentant en particulier les principales scènes de la vie du Christ et de la Vierge, composent un des plus beaux plafonds de Bretagne. La chapelle a été classée monument historique en 1957. Une association de passionnés fait revivre la chapelle et organise en particulier des visites guidées l’été.
- Sur l’autre rive de la ria de Pouldavid, le quartier de Tréboul abrite le port de plaisance de Douarnenez, un centre de thalassothérapie et les plus belles plages de Douarnenez (en particulier la plage des sables blancs). Au-dessus du port de Tréboul, le « Petit Maroc » est un quartier aux maisons blanches serrées les unes contre les autres et aux ruelles étroites. Le quartier est ainsi surnommé en référence à ses habitants qui pêchaient la langoustes au large du Maroc et de la Mauritanie. Chouette promenade entre Port Rhu et Tréboul en empruntant la passerelle qui traverse la ria de Pouldavid.
Fêtes et festivals à Douarnenez
- Les Fêtes Maritimes de Douarnenez se déroulent tous les deux ans au mois de juillet depuis 1986. Ces fêtes célèbrent le patrimoine maritime en réunissant des bateaux traditionnels venus du monde entier. Et quelle autre ville que celle qui abrite le siège du Chasse-Marée pouvait accueillir une telle manifestation ! Tous les quatre ans les Fêtes Maritimes de Douarnenez coïncident avec celles de Brest (la dernière fois en 2016, la prochaine en 2020). Ces années là, une fois la fête brestoise terminée, une procession de bateaux rejoint alors Douarnenez en longeant la côte du Finistère au large de la presqu’île de Crozon, un spectacle magnifique ! Prochaine édition du 25 au 29 juillet 2018. Plus d’informations : www.tempsfete.com.
- Les Gras de Douarnenez est sans doute le plus important carnaval de Bretagne. Il se tient chaque année au mois de février depuis 1835. Défilés, bals et animations se succèdent pendant 5 jours dans une atmosphère légèrement (sic) éthylique (avec les problèmes que ça peut parfois poser …). Le premier jour du carnaval, on intronise la mascotte du carnaval, Den’Paolig, qui est brûlé le dernier jour des festivités. Le carnaval est également l’occasion de déguiser le Bolomig (« petit bonhomme » en breton), le Maneken Pis de Douarnenez, une statue de 1861 sur une fontaine du centre-ville !
- Le Festival de Cinéma de Douarnenez se tient chaque année au mois d’août. Souvent décrit comme « Festival de cinéma des minorités », il présente des films internationaux dédiés aux minorités et aux questions identitaires. Plus d’informations : www.festival-douarnenez.com.
j’aimerai savoir ou trouver des photos sur la criée de Douarnenez et sa construction et inauguration.