Le Pays Pagan, Meneham et la pointe de Pontusval
Le pays Pagan désigne la portion de la côte nord du Finistère qui s’étend sur les communes de Guissény, Kerlouan, Plounéour-Brignogan-Plages et Goulven, au nord de Lesneven (l’étendue exacte du pays Pagan reste néanmoins sujette à débat !). Une portion de côte qu’on appelle aussi Côte des Légendes. C’est tout simplement une des plus belles côtes du Finistère ! Pourtant ici pas de falaises spectaculaires ni de panoramas à couper le souffle. Mais des prairies vertes descendant doucement vers de belles étendues de sable blanc. Et un peu partout de gros blocs de granit dont les formes excitent l’imagination. Un mélange qui donne un charme fou à cette région ! Et on ne peut qu’en tomber amoureux quand le soleil daigne caresser la région de ses rayons, offrant des couleurs d’une beauté extraordinaire. Une région méconnue de Bretagne mais qui mérite largement le détour !
Les « naufrageurs » du pays Pagan
Les habitants du pays Pagan ont longtemps eu une réputation de « naufrageurs ». On accusait les paysans pauvres de la région d’allumer des feux pour tromper les navires, les faire échouer et récupérer leurs cargaisons. Et parfois même de maltraiter les pauvres naufragés ! Mais cette réputation était sans doute exagérée : les habitants du pays Pagan se contentaient vraisemblablement de récupérer tout ce qu’ils pouvaient lors des naufrages. Une pratique qui remonte traditionnellement à l’Antiquité en vertu du « droit de naufrage » et qui ne sera interdite par Colbert qu’en 1681. On construira alors des corps de garde, encore visibles aujourd’hui le long du littoral, pour surveiller les naufrages et de manière plus générale la navigation. Ce qui n’empêchera pas la pratique de se perpétuer encore longtemps ! Il faut dire que les naufrages étaient fréquents dans cette région où les rochers en mer sont aussi nombreux que sur terre, souvent invisibles à marée haute, rendent la navigation très périlleuse. De nombreux navires se sont donc abîmés sur cette côte, laissant leurs cargaisons s’échouer sur la côte . Une aubaine pour une population très pauvre !
La pointe de Pontusval
Au nord-ouest de l’ancienne commune de Brignogan-Plages, la pointe de Pontusval (on parle également de pointe de Beg-Pol) offre un beau panorama sur la côte du pays Pagan. Elle est connue pour son adorable maison-phare de Pontusval, blottie au milieu des chaos rocheux. Un coin très photogénique, à tel point qu’on entend parfois dire qu’il s’agit du phare le plus photographié en Europe ! Le phare de Pontusval a été construit pour baliser une côte dangereuse sur laquelle de nombreux naufrages se sont produits. Il sert de relais entre le célèbre phare de l’Île Vierge à l’ouest et le phare de l’île de Batz à l’est, au large de Roscoff. Construit entre 1865 et 1869, il est inscrit sur la liste des monuments historiques depuis 2011. La pointe tire son nom (« poul beuz an eval » en breton, ce qui signifie « gouffre où fut noyée la bête ») d’une légende locale, celle du dragon de l’Élorn. Pour calmer sa faim, on lui offrait à dévorer chaque semaine une personne, tirée au sort dans la population locale. Lorsqu’il apprit que le sort avait désigné son fils de deux ans, le seigneur de l’Élorn préféra se noyer plutôt que de livrer son enfant. Mais il fut secouru par deux chevaliers qui, en échange de sa conversion du seigneur, lui promirent de débarrasser la région du monstre. Les deux chevaliers capturèrent le dragon, non sans mal, et le jetèrent dans le mer sur la pointe de Pontusval.
À proximité de la pointe, la jolie chapelle Pol est érigée en l’honneur de Saint Pol Aurélien, premier évêque du Léon. Il serait arrivé en Bretagne en traversant la Manche sur une barque de pierre. Étrange quand on sait que pas loin de là, sur la plage du crapaud, des promeneurs ont découvert une auge de pierre taillée en profondeur à main humaine … Le charme de la chapelle réside dans son emplacement au milieu de chaos rocheux, comme nombre de bâtiments dans la région ! Devant la chapelle se dressent un calvaire, une petite croix de granite et une guérite de gardes-côtes. Selon la tradition, lorsqu’un marin disparaissait en mer, on célébrait une messe dans la chapelle et le corps du disparu revenait à la côte trois jours plus tard.
Sur la route vers le bourg de Brignogan impossible de rater l’impressionnant menhir de Men-Marz (« pierre du miracle » en breton), un monstre mesurant 8,50 mètres de hauteur et pesant 80 tonnes, ce qui en fait un des plus gros de Bretagne. C’est un menhir christianisé, chapeauté d’une croix creusée dans le granite.
Le village de Meneham
À l’abri derrière un monticule hérissé de gros blocs de granite, le village de Meneham (du breton Menez Ham, « hameau sur le mont ») est un ancien village de paysans-pêcheurs-goémoniers situé en bord de mer sur la commune de Kerlouan. À l’origine du village un corps de garde construit vraisemblablement en 1756 entre deux gros blocs de granite, sur une colline offrant un point de vue idéal pour surveiller la côte de l’Île Vierge à Brignogan. Une caserne est construite au pied de la colline à partir de 1840 pour héberger les douaniers et leurs familles. Mais à partir de 1860 les maisons sont louées à des paysans qui agrandiront le village au fur et à mesure de la croissance de la population. À son apogée le village compte 14 maisons et jusqu’à 80 habitants. Le travail de la terre ne suffisant pas pour assurer leur subsistance, les paysans se tournent rapidement vers la mer et pratiquent la pêche côtière et surtout la récolte du goémon, utilisé comme engrais ou brûlé dans des fours à goémon pour extraire de l’iode ou de l’algine (un épaississant utilisé dans l’industrie agro-alimentaire). La vie y était difficile, rythmée par un travail très physique, des conditions climatiques rudes l’hiver et l’isolement du village. Meneham est classé en 1975 mais le village voit son auberge fermer peu après et est peu à peu déserté par ses habitants. Quand le dernier villageois quitte les lieux en 2001, la majorité des bâtiments sont en ruines.
Mais depuis 1989 déjà la commune de Kerlouan et le Conseil Général du Finistère rachetaient les maisons du hameau et les terres alentour. De 2004 à 2009 un projet de rénovation est finalement engagé pour restaurer le village à l’identique, en respectant les matériaux d’origine, l’architecture et les techniques de construction de l’époque, nécessitant l’intervention de corps de métier spécifiques en particulier pour la maçonnerie et la pose du chaume. Rouvert en juin 2009 le village propose deux espaces muséographiques : l’un dans l’ancien corps de garde présente les origines du village, l’autre dans la maison Salou (du nom du dernier locataire du hameau) raconte la vie quotidienne des habitants de Meneham. Le village abrite par ailleurs une auberge, un gîte d’étape, des ateliers d’artisanat (dans l’ancienne caserne), un point d’information touristique, une boutique de produits locaux et un espace d’expositions temporaires. Et on peut (et même on doit !) évidemment se promener autour du village, sur la dune, sur les plages, au milieu des chaos de granite, et s’imprégner de l’atmosphère unique des lieux !
Pour plus d’informations : www.meneham.bzh
À voir également dans le pays Pagan
- Le marais du Curnic sur la commune de Guissény est né de l’activité humaine après la construction de la digue du Curnic. Cette zone de tourbières, de dunes, d’étangs, de prairies humides et de roselières est un important site d’hivernage et de halte migratoire pour les oiseaux. Elle abrite également une flore remarquable, en particulier des orchidées et des droseras, plantes carnivores poussant dans les tourbières. Le site est propriété du Conservatoire du Littoral et appartient au réseau Natura 2000.
- Une curiosité à Kerlouan : la minuscule chapelle du Croazou, construite en 1832 par François Pont après qu’il eut recouvré la vue après de nombreuses prières à la Vierge dans un oratoire situé à l’emplacement de la chapelle actuelle. Elle est réputée être la plus petite du Finistère. Elle est entourée de 7 croix, 3 adossées au bâtiment sur un lech (menhir couché), 4 autres provenant d’autres endroits de la commune et déposées ici en 1970.
- Autre chapelle remarquable à Kerlouan : la chapelle Saint-Égarec, construite sur le cordon dunaire au 15ème siècle. Elle a aujourd’hui perdu son clocher, détruit par la foudre en 1917. Elle est jouxtée d’une fontaine dominée par une statue de Saint-Hervé, désormais souterraine à cause de l’ensablement. On dit que son eau permettait de guérir les problèmes de vue ou d’audition. La chapelle est l’objet d’un pardon le premier dimanche de juillet.
- Après avoir longtemps vécu de l’agriculture, de la pêche et de la récolte du goémon, la commune de Brignogan-Plages bénéficia de la mode des bains de mer pour devenir une petite station balnéaire à partir de la fin du 19ème siècle. Un développement favorisé par l’arrivée du chemin de fer en 1901 (une ligne reliait Brignogan et Plounéour-Trez à Landerneau). La station balnéaire a connu son apogée dans l’Entre Deux Guerres et au début des Trente Glorieuses. Elle comptait alors plusieurs hôtels qui faisaient le plein à la haute saison. L’activité a décliné à partir des années 60 mais la station balnéaire conserve quelques belles maisons d’époque sur sa façade maritime.
- À l’extrémité est du pays Pagan, la baie de Goulven s’étend sur l’estuaire de la Flèche. Ce site protégé constitue une réserve ornithologique importantes, de nombreuses espèces d’oiseaux se réfugiant sur les îlots rocheux, les roselières ou sur les dunes. À marée basse la baie découvre de vastes étendues de sable blanc propices à la pratique du char à voile ou du kitesurf.
2 réponses
[…] chantier Le Got, est le chantier naval de Plougerneau, pays des goémoniers du « pays pagan« . C’est là que le Reder Mor 6 a été construit en 1962 (voir article ici). Il […]
[…] Un article sur le pays pagan et ses légendes : https://www.terresceltes.net/bretagne/pays-pagan-meneham-pontusval […]