Drogheda et ses environs
Drogheda est une ancienne cité portuaire et industrielle située dans le comté de Louth, une cinquantaine de kilomètres au nord de Dublin, au fond de l’estuaire de la rivière Boyne. Si la ville a joué un rôle important dans l’histoire de l’Irlande, elle ne présente que peu d’intérêt touristique. Mais elle est une base idéale pour découvrir certains sites incontournables situés aux portes de la ville : les monuments néolithiques de la vallée de la Boyne et les ruines de deux abbayes, Mellifont et Monasterboice.
Histoire de Drogheda
Si les Vikings se sont installés sur le site de Drogheda en 911, la ville a officiellement été fondée par les Normands en 1194, ce qui en fait une des plus anciennes villes d’Irlande. À cette époque, dès 1169, les Anglo-Normands débarquent en Irlande pour aider le roi du Leinster, Dermot MacMurrough, chassé de son royaume par Ruaidri O’Connor, à reconquérir son trône. Les Anglo-Normands en profitent pour mettre un pied en Irlande et s’y installer pour de longs siècles ! Drogheda se trouve alors au coeur de cette région contrôlée par les anglais et qu’on appelle The Pale. À partir du 15ème siècle elle est l’une des cités les plus importantes d’Irlande (elle héberge à plusieurs reprises le Parlement d’Irlande).
Au 17ème siècle la cité est au coeur de deux faits marquants de l’histoire de l’Irlande. En 1649 d’abord, pendant les Guerres Confédérées Irlandaises, Oliver Cromwell débarque en Irlande pour reconquérir l’ensemble du pays. Et c’est Drogheda qui sera sa première cible ! Après un siège d’une semaine les armées de Cromwell prennent la cité dans le sang : sur les 3100 hommes qui défendaient la ville, 2800 sont tués ou exécutés, 200 sont faits prisonniers et déportés vers les Antilles, 700 à 800 civils sont massacrés. Ce massacre et les autres qui ont suivi jusqu’en 1653 ont fortement marqué les mémoires irlandaises et le nom de Cromwell suscite encore aujourd’hui la colère dans toute l’Irlande et à Drogheda en particulier.
Quelques années plus tard, le 12 juillet 1690, Drogheda est témoin d’un autre évènement majeur de l’histoire de l’Irlande : la bataille de la Boyne. Cette bataille se déroule dans la vallée de la Boyne à quelques kilomètres de Drogheda. Elle oppose une armée franco-jacobite, favorable au catholique Jacques II d’Angleterre qui cherche à reconquérir son trône, aux armées Orangistes du protestant Guillaume III, dit Guillaume d’Orange. La victoire des Orangistes est un tournant décisif dans la Rébellion Jacobite. Elle met un terme aux espoirs de Jacques II de reconquérir son trône et le pousse à l’exil. Et elle éteint également les espoirs des Irlandais catholiques de s’émanciper de la tutelle anglaise. Victoire des protestants irlandais contre les catholiques irlandais, la bataille de la Boyne est aujourd’hui encore commémorée chaque 12 juillet en Irlande du Nord par la partie la plus extrémiste de la communauté protestante.
Pendant l’époque victorienne la ville connaît un bref essor industriel (brasseries, textile) mais il faut attendre les années 90, les années du Tigre Celtique, pour que la ville prenne réellement son essor. Grâce à sa proximité avec Dublin, la ville a en particulier pu attirer une nouvelle population, fuyant le coût exorbitant de l’immobilier dans la capitale irlandaise mais continuant d’y travailler, et qui a dynamisé le commerce et les services dans la ville.
À voir à Drogheda et dans ses environs
Le centre-ville de Drogheda présente un intérêt architectural limité et le visiteur en fait rapidement le tour à pied.
- Au sommet d’une colline artificielle dominant la rivière Boyne au sud, la tour Martello a été construite en 1808 par les anglais en prévision d’une possible invasion de l’Irlande par Napoléon. À l’origine il s’agissait peut-être d’un tumulus préhistorique. Les Normands y érigèrent ensuite un fort et une enceinte avant que les anglais ne transforment l’ensemble en caserne. L’ancienne caserne abrite désormais un village d’artisans, un restaurant et un musée, le Millmount Museum, consacré à l’histoire de la ville.
- St Laurence Gate est la dernière survivante des 7 portes qui permettaient de franchir l’enceinte qui entourait la ville au Moyen-Âge. Il ne reste aujourd’hui plus grand chose de ces murailles qui ont permis à Drogheda de tenir face à au siège du roi d’Écosse Robert the Bruce en 1317 ou de Phelim O’Neill en 1642. Murailles qui n’ont pas empêché Oliver Cromwell de faire tomber la ville en 1649.
- Magdalene Tower est tout ce qui reste d’un ancien monastère dominicain fondé vers 1224 par Lucas de Neterville, archevêque de Armagh. La tour elle-même date du 14ème siècle.
- L’église catholique romaine de St Peter’s (18ème siècle) abrite le tombeau de Saint Olivier. Oliver Plunkett, né en Irlande, nommé archevêque d’Armagh en 1669, fut calomnié et accusé de haute trahison pour avoir tenté de créer une armée de rébellion et préparer le débarquement en Irlande de 20 000 soldats français. Transféré à Londres en 1678, il y fut emprisonné pendant 3 ans, torturé et condamné à être pendu, vidé et démembré (charmant n’est-ce pas ?). Mais il ne cessa jamais de rendre grâce à Dieu et de pardonner à ses dénonciateurs et à ses bourreaux. Il fut béatifié par le Pape Benoît XV en 1920 et canonisé en 1975 par le Pape Paul VI.
Si le centre de Drogheda présente un intérêt touristique limité, il en va tout autrement des environs de la ville qui abritent des sites de réputation mondiale.
- La vallée de la Boyne abrite un ensemble exceptionnel de monuments mégalithiques classés au Patrimoine Mondial de l’Unesco, parmi lesquels les plus connus sont Newgrange et Knowth. Cet ensemble est connu sous le nom Bru na Boinne.
- À quelques kilomètres au nord-ouest de Drogheda, les ruines du monastère de Monasterboice comptent parmi les plus belles d’Irlande. Le site monastique a été fondé au 6ème siècle par un disciple de Saint Patrick, Saint Buite. Mais les vestiges les plus anciens du monastère datent du 10ème siècle. Monasterboice fut un important centre religieux et d’enseignement jusqu’à la fondation de l’abbaye de Mellifont à quelques kilomètres de là qui entraîna l’abandon du site à partir de 1122. Les vestiges comprennent les restes de deux églises, une tour ronde de 30 mètres de hauteur parmi les mieux conservées d’Irlande et un cimetière abritant deux croix celtiques exceptionnelles, Muirdach’s Cross et West Cross haute de 6,50 mètres ! Ces croix sculptées servaient à illustrer le Testament pour les populations illettrées, à la manière des calvaires en Bretagne. L’accès au site est libre.
- À quelques kilomètres seulement de Monasterboice, Mellifont Abbey fut la première abbaye cistercienne construite en Irlande et servit de modèle pour les autres abbayes cisterciennes d’Irlande. Elle fut fondée en 1142, par l’archevêque d’Armagh Saint Malachie et des moines venus de l’abbaye de Clairvaux en France. Maintes fois brûlée et pillée, elle restera la plus grande abbaye d’Irlande jusqu’à sa fermeture en 1539, comptant jusqu’à 400 moines et exerçant sa suprématie sur 21 abbayes. Elle devint ensuite une maison fortifiée et fut utilisée comme quartier général par Guillaume d’Orange lors de la bataille de la Boyne en 1690. L’abbaye est aujourd’hui en ruines et en dehors d’un lavabo octogonal du 13ème siècle (qui est le symbole de Mellifont), quelques arches et quelques murs il ne reste plus grand chose de l’édifice d’origine. Le site est géré par Heritage Ireland. Entrée payante.