Kilt et tartans
Avec le whisky, le haggis ou encore le monstre du Loch Ness, le kilt fait partie des symboles de l’Écosse reconnus dans le monde entier. Tenue des grandes occasions ou de tous les jours, porté par certains régiments militaires, par les pipe bands, les troupes de danse et même quelques personnalités écossaises (en particulier Sean Connery et Ewan McGregor), il est également devenu (bien que ce ne soit pas une tradition) le vêtement symbole du monde celte, une manière de revendiquer sa “celtitude”.
L’histoire du kilt
On a souvent tendance à penser que le kilt (filleadh beag en gaélique) est porté depuis de nombreux siècles en Écosse. Pourtant son port est une tradition récente dans l’histoire de l’Écosse. C’est en fait à la fin du 18ème siècle que le kilt s’y serait imposé. Jusque là l’habit traditionnel des Highlanders était un plaid qu’on appelait feileadh mor. Ironie de l’histoire quand on connaît les relations entre les deux nations, un anglais serait peut-être à l’origine du kilt ! Plus précisément un industriel, Thomas Rawlinson, dans les années 1720. Trouvant le plaid peu pratique pour le travail en usine, il aurait demandé à un tailleur local de séparer le plaid en deux morceaux, le morceau inférieur donnant le kilt. Le kilt, reconnu aujourd’hui comme une tradition des Highlands, serait donc peut-être né de l’adaptation des Highlanders à la Révolution industrielle ! Le kilt n’en est pas moins devenu rapidement un symbole de l’identité écossaise et plus précisément des Highlands. Aussi quand l’armée jacobite, essentiellement composée de Highlanders, est battue à la bataille de Culloden en 1746, les anglais interdisent aux écossais le port des armes, de la cornemuse … et du kilt ! L’interdiction est levée en 1782 et le kilt est alors adopté par l’aristocratie écossaise. À partir du règne du roi Georges IV qui visite l’Écosse en 1822 en portant le kilt (l’Écosse était à la mode à l’époque !), il est même porté régulièrement par la couronne britannique. Aujourd’hui le kilt est reconnu comme le vêtement identitaire écossais et est même devenu, dans une version plus légère et moins authentique, un vêtement de mode. Il est porté dans les grandes occasions : cérémonies, mariages … ou matchs de l’équipe de rugby ou de football d’Écosse !
Le tartan
Le tartan désigne une étoffe de laine utilisée en particulier pour confectionner les kilts, parfois pour des accessoires de mode (sacs, foulards, écharpes, …). Le tartan est tissé en rayures de couleur se croisant à angle droit et qui forment un motif qu’on appelle le sett. Ce sett est la marque d’un clan, d’une famille, d’un lieu géographique, d’une association, c’est sa carte d’identité. Autrefois les colorants utilisés pour confectionner le tartan étaient issus d’ingrédients naturels (lichens, écorces d’arbre, baies, racines, feuilles, …). Chaque clan faisait donc avec les matières premières à sa disposition dans son environnement naturel. Les couleurs d’un clan étaient donc la marque du territoire de ce clan. Mais l’utilisation de colorants synthétiques depuis 1850 a permis l’apparition de teintes plus vives et plus variées.
Si le kilt est relativement récent, le tartan, remonte lui en revanche à beaucoup plus loin. Les premiers tartans dateraient peut-être de l’époque romaine. Le plus ancien serait le “sett de Falkirk”, datant du 3ème siècle, retrouvé près du mur d’Antonin. Les tartans sont répertoriés dans le Scottish Register of Tartans qui en recense plus de 7 000. Parmi eux les “clan tartans” sont associés à un clan. Contrairement aux idées reçues, leur port n’est pas restreint aux membres du clan. Seul le tartan Balmoral ne peut être porté que par la famille royale. Les autres sont en vente libre et peuvent être portés par tout un chacun. Il existe également des tartans rattachés à un nom de famille, dont il faut une permission des responsables de cette famille pour les faire tisser, des tartans militaires, qu’il est préférable de ne porter que si l’on fait partie du régiment en question, des “district tartans”, associés à un lieu ou une région (y compris en dehors d’Écosse), des tartans corporatifs ou associatifs propres à un club, une équipe sportive, un restaurant, un hôtel, une chaîne de taxis, etc… Et enfin d’autres tartans “libres” ou “fashion tartan” qui peuvent être portés par n’importe qui.
Le dress code du kilt
Le port du kilt obéit à un “dress code” qui définit une manière de le porter ainsi que quelques accessoires. Toutefois ce dress code est en évolution constante depuis le 19ème siècle et il ne constitue en aucune manière quelque chose de figé ou de dogmatique. Il s’agit souvent d’une simple question de bon goût. Mais ce serait une erreur de le négliger car, comme on se plaît à dire bien souvent : “Il faut parfaitement connaître le dress code … pour pouvoir enfin s’en éloigner avec panache !”.
- Le kilt est accompagné d’une veste en tweed avec des boutons en corne pour la journée, ou d’une veste de laine noire de type Barathea avec des boutons d’argent pour les tenues de soirée. On peut également porter un gilet. La couleur de la chemise est blanche en soirée mais peut être de couleur pour les tenues de jour. Pour les grandes occasions une cravate, un noeud papillon noir et pour les très grandes occasions un noeud papillon blanc ou un jabot en dentelles !
- Le kilt peut être porté avec un ceinturon en cuir mais celui-ci est purement décoratif et ne doit ni maintenir, ni contraindre le kilt d’aucune manière. La ceinture ne se porte jamais si l’on porte un gilet.
- Le kilt pin, une épingle fixée dans la partie droite en bas du kilt, ne doit jamais fixer le tablier du kilt (la partie supérieure) au tablier de dessous. Elle est purement décorative même si elle ajoute un peu de poids qui empêche le tissu de se soulever (pas inutile dans un pays venteux comme l’Écosse !). Elle peut aussi avantageusement être remplacée par une broche portée un peu plus haut sur la droite du tablier.
- Le sporran, une bourse plate ou à soufflet portée devant le kilt, pallie l’absence de poche. Il est en cuir, en peau (traditionnellement de phoque mais interdit aujourd’hui sur le territoire du Royaume-Uni) ou en fourrure, souvent un mélange de ces matières. Il peut être orné de petits glands de cuir, les tassels. Notons que les sporrans en fourrure avec fermoir en métal sont réservés à la tenue de soirée.
- Un bonnet, parfois bleu et orné ou non d’un pompon souvent rouge, peut être porté sur la tête.
- Pour le bas, les kilt hose, des chaussettes en laine, tiennent les mollets au chaud ! Elles sont tenues par des jarretières élastiques ornées de petits rubans de tartan du même motif que le kilt et qu’on appelle flashes. Depuis quelques années on remarque le retour en force des jarretières traditionnelles en laine d’agneau.
- Dans la chaussette on glisse un couteau mince et plat, le sgian dubh (prononcer “skin dou”, “le couteau noir”).
- Enfin des chaussures de cuir sont de rigueur, des chaussures de ville sobres et élégantes.Les ghillie brogues, attachées par de long lacets enroulés autour de la jambe, ne sont plus guère portées que par les ensembles de cornemuses, les pipe bands.
Que portent les écossais sous le kilt ?
Difficile de parler de dress code du kilt sans aborder la question que tout le monde se pose (si si …) : les écossais portent-ils quelque chose sous leur kilt ? La tradition militaire veut que non ! D’ailleurs elle toujours respectée dans les régiments (on parle de port “regimental” du kilt). Lors de l’inspection les soldats devaient d’ailleurs passer au-dessus d’un miroir placé au sol ! On leur interdisait également de monter à l’étage des bus, je vous laisse deviner pourquoi … Cette tradition peut d’ailleurs provoquer des moments gênants. Ainsi en 2004 le colonel Simon West du régiment des Highlanders d’Argyll et de Sutherland pose assis aux côtés de la Reine Elizabeth II … en oubliant d’ajuster son kilt, dévoilant tout sourire toute sa virilité. Un moment embarrassant et une photo devenue célèbre ! Aujourd’hui cependant le port d’un sous-vêtement sous le kilt est autorisé mais beaucoup continuent à perpétuer la tradition. Quoi qu’il en soit, poser la question est considéré comme quelque chose de déplacé, voire de mal élevé … On vous répondra peut-être poliment que les écossais portent sous leur kilt “The future of Scotland” (l’avenir de l’Écosse) !
Comment est fabriqué un kilt ?
Un kilt n’est-il donc qu’un lé de tartan porté autour de la taille ? C’est un peu plus compliqué que cela ! Un kilt est en fait constitué de plusieurs pièces qu’on appelle tabliers. Deux pièces, le tablier du dessus et le tablier du dessous, composent l’avant du kilt alors que l’arrière du kilt est constitué d’une suite de plis. Plat à l’avant, le kilt est donc plissé à l’arrière. Ces plis peuvent reproduire le sett du tartan ou privilégier une ligne particulière du tartan, ce qui nécessite un savoir faire particulier qui fait toute l’expertise des tailleurs et tailleuses de kilt, les kiltmakers ! Différents types de plis existent, chacun nécessitant plus ou moins de tissu et de travail pour le kiltmaker. Les plis jouent énormément sur le poids du kilt (plus de tissu, donc plus de poids !) ainsi que sur le mouvement du kilt et donc l’élégance de celui qui le porte. Le pli le plus répandu est le pli plat (knife pleat). Mais d’autres plis plus anciens reviennent à la mode, comme le box pleat (succession pli creux / pli plat) ou le kingussie. Selon le type de pli et bien sûr la morphologie du porteur, il faut compter 6 à 8 mètres de tartan pour confectionner un kilt. Mais certains setts plus grands et certains messieurs corpulents peuvent faire monter la jauge jusqu’à 9, voire 10 mètres de tartan !
Un tissu de qualité, cher et en grande quantité, un savoir faire rare : il n’est pas surprenant qu’un kilt coûte cher (plusieurs centaines d’euros). Mais on parle ici d’un vrai kilt fait sur mesure, de grande qualité et qui durera toute une vie (voire plus !), pas de prêt-à-porter confectionné dans une usine en Asie ou au Maghreb ! En France Lady Chrystel s’est construite une petite réputation pour la qualité de ses kilts qu’elle vend à travers le monde. Elle a en particulier inventé le double box pleat, une amélioration du box pleat pour offrir un mouvement plus élégant au kilt. Plus d’informations sur ses réalisations sur www.lady-chrystel-kilts.com.
Un immense merci à la kiltmaker Lady Chrystel et au conteur et musicien Robert Amyot pour leur relecture et leurs corrections !
Bravo pour cette synthese remarquable
Merci beaucoup pour ce blog, je suis venu faire quelque recherches, sur le kilt par exemple je ne me rappelais plus le nom du Roi qui était venu en Kilt en Ecosse.
Par contre je chercher toujours l’étymologie du terme “Kilt” on dit que ça vient du Danois. Il y a eu des colonies Vikings en Ecosse et les liens entre eux et les Celtes, c’est une des sources d’héritages de certains Clans, mais ce sont plus les Norvégiens qui sont venu. Je me demande si le mot Kilt ne viendrais pas plus des Anglais, avec la province de Dunlaw une grande colonie de Danois en Angleterre, faut que je continue mes recherches, j’ai un entretien pour parler de Kilt et de Druidisme dans mon village la semaine prochaine, votre site ma aider a remettre l’histoire du kilt au claire, je ne me rappelais plus du roi, ni du nom de l’industriel qui a modifier le vêtement.
Merci beaucoup..
Quel est le poids d’un kilt en moyenne?
cettait interesant
EN ECOSSE C’est 3KG
Bonjour, article intéressant, lu de bout en bout. Quand la satanée loi de 1746 a été levée, en 1782, les gens des highlands n’avaient-ils quand-même pas perdus l’habitude d’être en tartan après36 ans de pantalon imposé?
Il faut souligner aussi l’existence des kilts modernes, ceux que je porte personnellement en casual tous les jours, y compris au boulot, en cuir (ne se soulèvent pas avec le vent) ou tissus unis ou camos, j’ai aussi des tartans classiques, toujours complétés avec épingles et sporrans pour mettre mes papiers et mes clefs; élégance, style, et confort addictif. J’ai vu des pubs en anglais incitant d’ailleurs à porter le kilt pour tout le monde, pas seulement pour les occasions spéciales, même si vous êtes non écossais ou non celte, c’est mon cas depuis 2018.
C’est d’ailleurs à l’origine ce qu’était ce vêtement, puisque des ouvriers ont porté le kilt en usine (mais à partir de aout 1746 c’est interdit, reporté en 1782?) vous le décrivez dans votre article. J’ai vu dans l’émission “le meilleure forgeron” sur la 17 des forgerons en utily kilts, avec un tablier de cuir par dessus, ce que je fait aussi quand je bricole, fait le ménage, etc…Plus de pantalon! Trousers are for wimps! (and bermudas and shorts too!). Vive le kilt!! De la part d’un p’tit gars du sud de la France.