Le gallois, langue historique du Pays de Galles
Si tous les gallois parlent aujourd’hui anglais, la langue historique du Pays de Galles n’est pas la langue de Shakespeare mais le gallois, langue celtique appartenant à la branche brittonique. Cette branche comprend également le cornique (parlé en Cornouailles) et le breton, langues dans lesquelles on retrouve de nombreuses similitudes ! L’autre branche des langues celtiques, la branche gaélique, comprend l’irlandais, l’écossais et le mannois (parlé sur l’île de Man). La langue galloise est une des plus anciennes d’Europe puisqu’elle était déjà parlée au 6ème siècle, dans une forme différente du gallois moderne, parlé depuis le 16ème siècle. Comme les autres langues celtiques le gallois a été sur le déclin pendant de nombreuses décennies. Mais les pouvoirs publics gallois ont pris des décisions volontaristes pour sauver leur langue. Aujourd’hui le gallois est la langue celtique qui se porte le mieux et compte le plus grand nombre de locuteurs.
Le gallois aujourd’hui
Comme les autres langues celtiques soumises à la pression de l’anglais ou du français (en ce qui concerne la langue bretonne), le gallois a connu un lent déclin à partir du début du 20ème siècle. Mais très tôt, dès les années 50 / 60, le Pays de Galles a adopté des mesures visant à endiguer cette baisse de la pratique de la langue. Les résultats sont là : aujourd’hui près de 800 000 personnes (un peu plus du quart de la population galloise) affirment être capables de parler gallois, même s’ils sont moins nombreux à le pratiquer couramment. C’est en particulier dans le nord et l’ouest du Pays de Galles que le gallois est utilisé puisque plus de la moitié des habitants y maîtrisent la langue (et même plus de 80% dans certaines régions !). Elle est même la langue maternelle de beaucoup de gallois dans ces régions. Le gallois est par contre beaucoup moins parlé dans les régions industrielles du sud du Pays de Galles, qui concentrent la majorité de la population et voient le plus de non-gallois s’installer, ainsi que, sans surprise, dans les régions frontalières avec l’Angleterre.
C’est principalement par l’enseignement que le Pays de Galles est parvenu à sauver sa langue. Le gallois est une matière obligatoire à l’école jusqu’à 16 ans et 20% des élèves sont même scolarisés en gallois première langue. La pratique du gallois est également favorisée dans la vie de tous les jours : signalisation routière bilingue généralisée, administrations tenues de pouvoir offrir leurs services aussi bien en gallois qu’en anglais (depuis la loi Deddf Iaith Gymraeg – « loi sur la langue galloise »- de 1993), médias en gallois (une radio nationale, Radio Cymru, et de nombreuses radios régionales, ainsi qu’une chaîne de télévision en gallois, Sianel Pedwar Cymru – S4C, qui existe depuis 1982). De quoi rendre fous d’envie les bretons, régulièrement bloqués par l’État français dans des projets similaires … Depuis 2011 le gallois a même le statut de langue officielle du Pays de Galles avec l’anglais et son utilisation est fortement encouragée dans les structures privées. Mais malgré cela la langue galloise n’est pas tirée d’affaire : depuis 2011 on constate à nouveau un déclin de la langue, en particulier dans les régions du nord et de l’ouest du Pays de Galles qui voient s’installer de plus en plus de personnes extérieures au Pays de Galles.
La littérature celtique galloise
Le gallois a une longue tradition littéraire qui remonte au Moyen-Âge et comporte nombre de textes rattachés à la légende arthurienne. Tradition orale du temps des druides, elle n’a été retranscrite qu’à partir du Moyen-Âge et la disparition du druidisme. Les premiers écrits remontent au 6ème siècle et sont l’oeuvre des cynfeirrd, les « premiers bardes », survivants du druidisme, qui transforment la poésie d’une pratique magique à un art littéraire. Les poésies de cette période qui s’étend du 6ème au 13ème siècle sont écrites en vieux gallois. Elles louent le courage et la générosité des souverains et leur lutte contre les Saxons. Les poètes les plus célèbres de cette période sont Aneirin (à qui on attribue le poème Y Gooddin, où il raconte les exploits de son roi Mynyddawg Mawr) et Taliesin (plusieurs poèmes du manuscrit Llyfr Taliesin lui sont attribués). Cette littérature celtique galloise survit à la chute du royaume de Gwynedd et la fin de l’indépendance du Pays de Galles. Les poèmes ne célèbrent plus seulement les souverains mais abordent également les thèmes de l’amour, de la guerre, … Le texte majeur de cette période qui s’étend du 13ème au 18ème siècle est les Mabinogion, aussi appelé les Quatre Branches du Mabinogi, un ensemble de quatre récits médiévaux écrits en moyen-gallois et s’inspirant de la mythologie celtique.
L’Eisteddfod Genedlaethol
Chaque année pendant une semaine, en général début août, le Pays de Galles accueille l’Eisteddfod Genedlaethol (Eisteddfod Nationale), un festival culturel et littéraire dédié à la langue galloise. Cette manifestation remonterait au 12ème siècle quand le seigneur Rhys ap Gruffydd de Deheubarth invita dans son château de Cardigan les meilleurs poètes et musiciens du pays. Disparus avec le déclin de la tradition bardique, ces festivals furent remis au goût du jour au 18ème siècle et la première Eisteddfod Nationale eut lieu en 1792. Depuis 1880 elle est organisée chaque année, alternativement dans le nord et le sud du pays, à l’exception des années 1914 et 1940 où les guerres mondiales empêchèrent son déroulement. L’Eisteddfod Nationale voit l’organisation de concours de chants, de poésie, de théâtre, de concerts, de conférences, etc… Environ 6 000 artistes y participent chaque année et la manifestation attire environ 150 000 spectateurs, ce qui en fait la plus importante en Europe dans le genre. L’Eisteddfod est l’occasion de la remise de deux récompenses prestigieuses en poésie : le Chairing of the Bard (Cadeirio’r Bardd) et le Crowning of the Bard (Coroni’r Bardd). Témoin du lien entre l’Eisteddfod et le néo-druidisme, les cérémonies de remise sont menées par l’archidruide et les autres membres de la Gorsedd des bardes de l’île de Bretagne (Gorsedd Beirdd Ynys Prydain), association littéraire et culturelle fondée en 1792 pour promouvoir la littérature, la poésie et la musique au Pays de Galles. L’édition 2017 de l’Eisteddfod Nationale s’est déroulée à Bodedern sur l’île d’Anglesey. Les prochaines auront lieu à Cardiff (2018) et Conwy (2019). Plus d’informations sur le site officiel de l’Eisteddfod. D’autres eistteddfodau se déroulent ailleurs dans le monde, en Australie ou en Argentine par exemple, au sein des communautés de la diaspora galloise.
Quelques particularités de la langue galloise
- Comme beaucoup de langues essentiellement orales, le gallois comporte de nombreux dialectes locaux qui peuvent être grossièrement regroupés en deux dialectes : le gallois du sud et le gallois du nord. Les différences entre dialectes portent sur la prononciation de certaines lettres, sur le vocabulaire et même sur quelques règles de grammaire.
- L’alphabet gallois diffère de l’alphabet français. Certaines lettres en sont absentes : « k », « q », « v », « x » et « z ». Et d’autres n’existent pas en français : « ch » (se prononce à l’allemande, comme dans « achtung »), « dd » (se prononce comme le « th » anglais), « ff » (se prononce « f », alors que la lettre « f » se prononce « v »), « ng » (comme dans « parking »), « ll » (une prononciation unique qui ressemble à « cl »), « ph » (se prononce « f »), « rh » et « th » (comme le « th » anglais). Le « r » se prononce roulé, à l’espagnol. Le « w » est une voyelle qui se prononce entre « a » et « o ». Le « y » se prononce « eu » en début de mot, « ê » en milieu et « i » en fin de mot. La lettre « u » se prononce « u » dans le nord mais « i » dans le sud. Les autres lettres se prononcent comme en français.
- En gallois les phrases s’organisent généralement selon le type VSO (Verbe – Sujet – Objet). En gallois on dira donc « mange il une pomme » et non « il mange une pomme ».
- Comme les autres langues celtiques, le gallois comporte des mutations consonantiques : une consonne en début de mot peut muter en une autre lettre en fonction de la préposition ou de l’article qui précède le mot. Par exemple « Cymru » (Pays de Galles) devient « Croeso y Gymru » (bienvenue au Pays de Galles), « cath » (chat en français ») s’écrit et se prononce « ei gath » (« son chat à lui ») ou « ei chath » (« son chat à elle »). Ou encore « gwraig » (« femme ») et « mawr » (« grand ») deviennent « y wraig fawr » (« la grande femme »).
- L’adjectif se place en général après le nom.
- Comme le breton, le gallois utilise un système numéral de type vigésimal, c’est-à-dire utilisant la base vingt. Ainsi 40 se dit « deugain » (deux vingt), 30 se dit « deg ar hugain » (dix et vingt), 32 se dit « deuddeg ar hugain » (douze et vingt).
- Du fait de la proximité avec l’Angleterre, le gallois a emprunté de nombreux mots à l’anglais, en particulier depuis la conquête anglo-saxonne. Ces emprunts sont parfois difficiles à identifier car ils remontent au vieil anglais. Ainsi « cusan » (baiser ») est tiré du vieil anglais « cyssan », devenu « kiss » en anglais moderne. D’autres emprunts, plus récents, sont beaucoup plus évidents, comme « lifft » (« ascenseur ») tiré de « lift ».
Un peu de vocabulaire gallois !
Ci-dessous quelques mots gallois et leur équivalent en français et en breton. Vous noterez la ressemblance de certains mots gallois et bretons !
En gallois | En français | En breton |
---|---|---|
Cymru | Pays de Galles | Kembre |
Cymraeg | Gallois (langue galloise) | Kembraeg |
Bore da | Bonjour (le matin) | Mont a ra mat / Mad eo an traou / Demat / |
Da boch chi / Hwyl | Au revoir | Kenavo |
Os gwelwch yn dda | S’il vous plaît | Mar plij |
Diolch | Merci | Trugarez |
dyn | homme | den |
menyw | femme | maouez |
nos | nuit | noz |
dydd | jour | dez / deiz |
bychan | petit | bihan |
mawr | grand | meur / bras |
tŷ | maison | ti |
môr | mer | mor |
ci | chien | ki |
cath | chat | kazh |
gwyn | blanc | gwenn |
du | noir | dy |
Toponymie galloise
C’est en observant les nom de lieux au Pays de Galles qu’on se rend le mieux compte de la ressemblance des langues galloise et bretonne. Les noms de ville commençant par « caer », « llan », « pwll » ou « tre » rappellent évidemment certains noms de lieux en Bretagne ! Quelques exemples de noms de villes en gallois :
Mot | Signification | Exemples |
---|---|---|
aber | estuaire, confluence | Aberystwyth, Abertawe (Swansea), Aberdare, Aberteifi (Cardigan), Abergavenny, Aberhonddu (Brecon), Abergwaun (Fishguard) |
caer | fort | Cardiff (Caerdydd en gallois), Caernarfon, Caerphilly, Carmarthern |
dol | prairie | Dolgellau |
llan | paroisse | Llangollen, Llandrindod Wells, Llanelli, Llandudno |
pen | pointe / tête | Pembroke, Penarth |
pont | pont | Pontypridd, Pontypool, Pontardawe |
porth | port | Porthmadog, Portmeirion, Porthcawl |
pwll | mare | Pwllheli |
tref | village | Tregaron, Tremadog, Tredegar, Trefynwy (Monmouth) |