Les fresques murales de Belfast
Les fresques murales (murals en anglais) sont un des éléments les plus connus du patrimoine nord-irlandais. On estime leur nombre à plus de 2 000 dans toute l’Irlande du Nord et c’est à Belfast, la capitale nord-irlandaise, qu’on en compte la plus grande concentration. Elles y sont même une attraction touristique qui attire de nombreux visiteurs. Elles sont le marqueur le plus visible de la frontière virtuelle qui existe entre les deux principales communautés d’Irlande : d’un côté les unionistes / loyalistes, protestants, fidèles à la Couronne d’Angleterre ; de l’autre les nationalistes / républicains, catholiques, favorables à l’union avec la République d’Irlande. Outils de propagande dans une Irlande du Nord médiatiquement verrouillée pendant les décennies qu’ont duré les troubles, elles sont aujourd’hui un véritable livre ouvert sur l’Histoire récente de l’Irlande du Nord.
L’Histoire des murals en Irlande du Nord
Le phénomène des fresques murales en Irlande du Nord remonte début du XXème siècle. Les premières fresques loyalistes sont en effet apparues aux environs de 1908. Elles sont alors exécutées dans le cadre des fêtes de commémoration de la bataille de la Boyne, remportée par Guillaume d’Orange le 12 juillet 1690, victoire qui marque la prise de pouvoir des protestants contre les catholiques. Le phénomène perd de son ampleur côté loyaliste dans les années 70 après la suspension du parlement nord-irlandais et l’administration directe de l’Irlande du Nord par Londres. Les loyalistes sont alors confrontés à un dilemme entre la perte de leur pouvoir sur la communauté catholique et leur fidélité à la Couronne d’Angleterre. Mais le phénomène reprend de l’ampleur à partir du milieu des années 80, en réaction aux premières concessions du gouvernement britannique aux nationalistes. Des peintures militaristes marquent alors le soutien aux groupes paramilitaires loyalistes (qui reprennent de la vigueur à cette époque) et délimitent les « territoires » des différentes milices. Outre ces thèmes militaristes (encore très visibles aujourd’hui), les fresques loyalistes rendent hommage aux héros et aux « martyrs » de la cause loyaliste, à des personnages historiques protestants (Oliver Cromwell, présidents américains d’origine écossaise, …), à la famille royale d’Angleterre, etc …
Les fresques républicaines sont elles apparues beaucoup plus tard, à la fin des années 70, dans un contexte de soutien à la lutte des prisonniers républicains pour un statut politique. Elles permettent alors de contourner la censure et assurent la propagande de la cause républicaine. Comme du côté loyaliste, elles rendent hommage aux héros et aux martyrs de la cause, républicaine cette fois. Mais elles rappellent aussi des épisodes de l’Histoire de l’Irlande (Grande Famine, insurrection de Pâques 1916, …), marquent l’attachement des républicains à la culture irlandaise ou leur solidarité avec d’autres causes dans le monde (la Palestine par exemple).
Depuis les accords du Vendredi Saint en 1998 qui marquent la fin des troubles en Irlande du Nord, sous l’impulsion de la population et des autorités soucieuses de pacifier l’atmosphère en Irlande du Nord, les thèmes revendicatifs sont moins présents sur les fresques. C’est en particulier vrai pour les fresques loyalistes, les peintures militaristes laissant de plus en plus la place à des fresques plus neutres politiquement, appelant à la paix ou honorant les grandes figures locales (en particulier le footballeur George Best ou … le Titanic !). Mais cette politique d’aseptisation des thèmes abordés par les fresques murales divise la population, certains pensant que des fresques incitant à la haine entre les communautés n’ont plus leur place dans une Irlande du Nord pacifiée (et c’est vrai qu’il est difficile de rester insensible à certaines fresques loyalistes militaristes …), d’autres les considérant comme un avertissement des dangers d’un retour à la violence.
Voir les fresques à Belfast
Bien que des fresques soient disséminées un peu partout dans Belfast (à l’exclusion notable du centre-ville et des quartiers sud de la ville), quelques quartiers populaires entourant le centre en concentrent la majorité.
L’ouest de Belfast est la zone la plus connue et la plus visitée par les touristes. Au nord, Shankill (nom donné au quartier formé par Shankill Road et les rues adjacentes) rassemble une population protestante et abrite donc de nombreuses fresques loyalistes. Au sud, séparé de Shankill par les « Lignes de Paix » (des barrières hautes construites dans les années 70 et percées de points de passage pour séparer les quartiers catholiques et protestants de la ville et limiter ainsi les violences entre les deux communautés), Falls Road est le principal quartier catholique de la ville. Cette rue, dominée par la sinistre Divis Tower (tour d’habitation dont le sommet a abrité un poste de surveillance de l’armée britannique des années 70 jusqu’en 2005 ), compte les fresques les plus célèbres, comme le mur solidaire (« solidarity wall ») ou la fresque de Bobby Sands sur le siège du Sinn Fein. Plus à l’ouest, jouxtant Falls Road,Ballymurphy regroupe également de nombreuses fresques républicaines.
L’autre quartier comptant une grosse concentration de fresques est East Belfast, la partie est de Belfast, aux portes des anciens chantiers navals Harland & Wolff. En dehors de quelques fresques républicaines regroupées sur Short Strand, le quartier est à une majorité écrasante habité par les protestants et abrite donc de nombreuses fresques loyalistes, de part et d’autre de Newtownards Road et Albertbridge Road. Les quartiers est de Belfast comptent de plus en plus de fresques neutres politiquement, célébrant le Titanic, l’équipe nationale de football nord-irlandaise ou encore l’écrivain de science-fiction C.S. Lewis, natif de Belfast.
Parmi les autres quartiers regroupant des concentrations de fresques moindres mais intéressantes, citons :
- Sandy Row, bastion loyaliste au sud-ouest du centre-ville (et sa célèbre fresque « You are now entering loyalist Sandy Row », réponse des loyalistes au « You are now entering Free Derry » du quartier catholique de Bogside à Derry).
- Donegall Pass au sud du centre-ville (fresques loyalistes)
- Broadway, entre le Royal Victoria Hospital et le Belfast City Hospital, au sud-ouest du centre-ville (fresques loyalistes)
- North Belfast, avec des fresques de part et d’autre de Duncairn Gardens (loyalistes au nord de la rue, républicaines au sud).
Tous ces quartiers et leurs fresques peuvent se visiter à pied (même si certains quartiers un peu délabrés ne sont pas très « engageants » …). Mais pour ceux qui en ont les moyens et qui sont capables de suivre une discussion en anglais, la manière la plus intéressante de découvrir les fresques est de réserver une visite commentée dans les Black Taxis, les fameux taxis noirs de Belfast, souvent conduits par d’anciens prisonniers politiques qui ont donc vécu au coeur des évènements qui ont marqué Belfast pendant des décennies. Plusieurs compagnies de taxis se partagent le « marché ». Renseignez-vous auprès de l’office du tourisme pour avoir plus de détails.